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des Italiens et du Théâtre-Lyrique, l’Opéra, malgré sa subvention et ses abonnés, n’en reste pas moins une entreprise où il est aussi facile de perdre de l’argent que presque impossible d’en gagner. L’Opéra-Comique, sous une direction habile, et avec une faculté de recettes amoindrie, — le maximum y est de 9 300 francs, inférieur de 1 200 francs à celui de l’ancien local, — est parvenu, depuis 1898, à monter ou à reprendre 35 ouvrages, représentant un million de matériel neuf, sans appeler plus de moitié de la commandite de 1 300 000 francs qui constitue son capital. Il a donc réalisé d’importans bénéfices ; mais ses frais ne sont pas à comparer avec ceux qui incombent à l’Opéra, où les dépenses atteignent annuellement 4 millions.

Les Opéras impériaux ou royaux de l’étranger sont administrés par des intendans, qui ne doivent compte de leur exploitation qu’aux souverains, dont la liste civile fournit les subventions et comble les déficits. Ce système, en usage à Paris jusqu’à 1830, avait coûté au Roi, l’année précédente, 966 000 francs, malgré les 300 000 francs perçus, à titre de redevance, sur les autres théâtres et sur les bals publics. Suivant un usage de l’ancien régime, que Napoléon avait fait revivre en 1811, toutes les scènes parisiennes, à l’exception des Français, de l’Opéra-Comique et de l’Odéon, tous les spectacles de « curiosité, » cirques, joutes et jeux, panoramas et cosmoramas, versaient à l’Opéra 5 pour 100 de leur recette brute. Un tribut de 20 pour 100 était dû par les concerts, bals masqués ou fêtes champêtres, dont Tivoli offrait alors le modèle.

Ce prélèvement fut aboli après la révolution de Juillet et, de son côté, Louis-Philippe s’empressa de débarrasser la cassette royale, fort réduite, d’un fardeau aussi onéreux. L’État inscrivit au budget une subvention de 800 000 francs dont le chiffre, invariable depuis soixante-dix ans, est devenu, par le changement de tous les prix en deux tiers de siècle, très inférieur à ce qu’il était alors. L’Opéra de Berlin reçoit 1 125 000 francs de subvention ; ceux de Munich et de Dresde 625 000 francs. Or, en Allemagne, il n’existe pas de droit des pauvres ; l’ensemble des frais y est beaucoup moindre ; aussi les places y sont-elles beaucoup moins chères.

À Paris, les abonnés apportent un revenu à peu près fixe de 1 700 000 francs ; les recettes journalières, qui oscillent suivant les mois de 70 000 à 120 000 francs, devraient produire 1 500 000 fr.