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prennent un nouveau degré d’énergie à la veille des élections générales. La thèse du procureur de la République tend à enlever le droit d’enseigner à tous ceux ou à la plupart de ceux qui ont appartenu à une congrégation non autorisée. Mais les autres, ceux qui ont appartenu et qui continuent d’appartenir, soit à une congrégation autorisée, soit à une congrégation qui a demandé à l’être, quelle sera leur situation ? Examinons les deux cas. L’article 14 de la loi du 1er juillet 1901 enlève le droit d’enseigner à tout membre d’une congrégation non autorisée. Cela paraît très clair ; mais ce qui ne l’est pas, ou ce qui ne l’est plus, c’est de savoir, pour un ancien congréganiste, s’il l’est encore ou s’il a cessé de l’être : il faudra attendre sur ce point la décision des tribunaux. Quant aux membres des congrégations qui ont déjà obtenu, ou qui ont régulièrement demandé l’autorisation, assurément ils peuvent enseigner ; du moins, aucun texte législatif ne le leur interdit ; mais M. le ministre de l’Instruction publique, par une circulaire qu’il a adressée aux inspecteurs d’Académie le 11 septembre 1901, a invoqué l’article 13 de la loi sur les associations pour soutenir que la congrégation à laquelle ils appartiennent ne peut pas ouvrir un établissement nouveau sans une autorisation préalable du Conseil d’État.

L’histoire de cette circulaire, et de ses suites, serait intéressante à raconter. On affirme que, lorsqu’il en a eu connaissance, M. Waldeck-Rousseau en a été quelque peu embarrassé : il se rappelait les paroles qu’il avait prononcées devant la Chambre, à la séance du 18 mars dernier, paroles qui étaient de tous points contraires à l’interprétation de M. Leygues. Alors s’est établie, avec des fortunes diverses, avec des hauts et des bas, une lutte d’influence entre le ministère de l’Instruction publique et le ministère de l’Intérieur. M. Waldeck-Rousseau a tantôt résisté et tantôt cédé : il a fini par capituler.

L’article 13 de la loi dit bien qu’une congrégation autorisée ne peut créer un nouvel établissement qu’en vertu d’un décret rendu en Conseil d’État ; mais que faut-il entendre par là ? Il y a une loi générale celle de 1886, qui établit les conditions dans lesquelles tout citoyen peut ouvrir une maison d’enseignement primaire : la loi du 1er juillet 1901 enlève-t-elle le bénéfice de cette loi aux membres des congrégations autorisées ? Non, a formellement déclaré M. Waldeck-Rousseau, à la séance du 18 mars dernier, dans sa réponse à une question de M. Denys Cochin. « Quant au droit, a-t-il dit, d’ouvrir des écoles primaires, la Chambre sait à merveille qu’il est réglé par une loi spéciale. S’il s’agit de l’enseignement supérieur, il faut une autorisation ; s’il