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le patronage du nom de Condorcet, a également ouvert le feu. Le Sénat n’a pas voulu rester étranger à ce mouvement, et le docteur Béraud, sénateur de Vaucluse, élu aux dernières élections de 1900, a déposé une proposition de loi qui a un double objet : établir ce qu’on appelle le stage scolaire, c’est-à-dire l’obligation, pour tous ceux qui se destinent à l’enseignement supérieur, de faire les trois dernières années de leurs études dans les établissemens de l’État, et la suppression de ce qui reste de la loi de 1850, connue sous le nom de loi Falloux. Or, il n’en reste qu’une chose : le principe même de la liberté de l’enseignement secondaire ; tout le reste a disparu. Chacune des parties de la proposition de M. Béraud forme un tout complet, et l’ensemble forme un non-sens. Si l’on supprime la liberté de l’enseignement secondaire, l’obligation du stage n’a plus d’objet ; et, si l’on impose le stage, encore faut-il maintenir la liberté pour les basses classes. Mais nous n’entrerons pas, pour aujourd’hui, dans l’examen des propositions diverses qui se produisent depuis quelques semaines avec une étrange abondance : nous nous contentons d’en signaler la tendance générale, qui est la guerre, faite cette fois d’une manière ouverte et directe, à la liberté d’enseigner. Où ce mouvement nous conduira-t-il ? Certainement à rien de décisif avant les élections prochaines, et la suite dépendra de ces élections. C’est donc au pays à défendre lui-même ses libertés. S’il ne les défend pas, personne ne pourra y réussir sans lui, encore moins contre lui. Les radicaux et les socialistes lui soumettent la question, et l’invitent à la résoudre. Voilà pourquoi ils ont commencé et ils continuent une vaste agitation, dont le but est d’obliger tous les candidats à prendre position au sujet de la liberté d’enseigner : il faudra qu’ils disent nettement s’ils la veulent ou s’ils ne la veulent pas.

En tout cela, que fait le gouvernement ? Rien jusqu’ici : il ne se prononce pas, il attend. Mais, en attendant, il essaie de donner à ses amis des satisfactions partielles. On a donc appris, un matin, qu’une instruction judiciaire était ouverte contre un certain nombre de congréganistes, ou plutôt d’anciens congréganistes, accusés, les uns d’avoir prêché dans les églises de Paris, les autres, dit-on, d’avoir continué de professer dans des établissemens libres d’enseignement supérieur. La thèse de M. le procureur de la République, ou plutôt du gouvernement dont il est ici l’organe, est celle-ci : — Les congréganistes poursuivis sont toujours congréganistes, malgré la dispersion apparente de leur congrégation. En fait, ils n’ont pas obéi à la loi du 1er juillet 1901, et surtout ils ne se sont pas conformés à l’interprétation