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Nous constatons avec plaisir qu’il ne parait pas aussi disposé à se prononcer dans le sens socialiste, que M. Millerand et ses amis le croient, ou essaient de le faire croire. Depuis qu’ils sont au pouvoir avec lui, les socialistes n’ont pas fait, au point de vue électoral, autant de progrès que de bruit. Déjà, aux élections dernières, — c’était, il est vrai, avant le ministère actuel, — ils avaient éprouvé des échecs sensibles dans la personne de leurs orateurs et de leurs chefs de file principaux, tels que M. Jules Guesde, M. Gabriel Deville et M. Jean Jaurès. Depuis, malgré leur entrée triomphale dans le gouvernement, leurs succès ont été modestes, et ils viennent même d’éprouver dans le Nord un échec retentissant. Aux élections des conseils généraux qui ont eu lieu au mois de juillet dernier, ils ont présenté des candidats dans un nombre assez considérable de cantons, et ces candidats n’ont pas été très heureux. Mais rien n’égale la catastrophe de Roubaix.

Roubaix est une des villes saintes et un des châteaux forts des socialistes. Depuis longtemps, la municipalité leur appartenait, et ils s’y croyaient indéracinables. A la vérité, aux élections dernières, M. Jules Guesde, député de la 7e circonscription de Lille, avait été battu par M. Motte ; mais ils considéraient cette mésaventure comme accidentelle et provisoire, et espéraient prendre bientôt leur revanche. L’occasion s’est offerte à eux de tâter le terrain, sans attendre les élections d’avril ou de mai prochain. Après la suppression de l’octroi de Roubaix, il a fallu voter des taxes de remplacement, et, comme on devait s’y attendre, le conseil municipal a choisi les plus conformes aux principes socialistes : elles pesaient sur les industriels supposés riches, et par conséquent sur l’industrie elle-même, dans des conditions qui ont paru inacceptables à la Chambre des députés. Elle a refusé de les autoriser. M. Motte, qui est homme de résolution et d’action, à la parole vive et forte, a déterminé l’opinion de la majorité. Qu’a fait le conseil municipal de Roubaix ? Il a donné sa démission, convaincu qu’il serait réélu, et que cette première victoire aurait une influence considérable sur la bataille électorale de demain. Mais les choses ont tourné tout autrement. A la liste socialiste du Conseil municipal, M. Motte et ses amis ont opposé une liste républicaine modérée, et c’est celle-ci qui l’a emporté. Un coup aussi imprévu a frappé les socialistes d’un étonnement dont ils ne reviendront pas de sitôt. Ils attribuent leur mésaventure aux divisions du parti, et concluent à la nécessité d’une discipline de plus en plus rigoureuse. Nous avons une autre explication : c’est qu’il suffit de voir les socialistes à l’œuvre pendant quelque temps pour en être complètement dégoûté. Ce qui