remanier la propriété en vue d’établir l’égalité sociale, il n’est pas douteux que le socialisme a été de tout temps fort en crédit parmi les Grecs. Ceci n’est point pour surprendre, lorsqu’on réfléchit que l’Etat avait chez eux des droits presque illimités sur l’individu, sur ses biens comme sur sa personne. Le plus radical des systèmes qui se rattachent à cette conception, c’est-à-dire le communisme, séduisit plusieurs philosophes, tels que Platon, les Cyniques et les Stoïciens. Il compta aussi beaucoup de partisans dans le peuple, et plus d’un poète comique se donna la peine, comme Aristophane, de le tourner en dérision ; preuve que cette utopie avait de la vogue dans le public. Mais, en général, les Grecs furent des « partageux. » Jamais on ne saisit chez eux une tentative pour maintenir les terres d’une cité dans l’indivision et pour en attribuer la jouissance collective à tous les citoyens. Si quelques théoriciens pensèrent que l’appropriation du sol était un mal, ils ne furent pas suivis par les hommes politiques. Ceux-ci se prononcèrent invariablement pour le principe de la propriété privée, et toute leur ambition se bornait à la transférer des riches aux pauvres. Les attentats innombrables qui furent commis contre elle dans le cours des siècles eurent pour objet non de la supprimer, mais de la répartir autrement. Les plus hardis révolutionnaires ne cherchaient qu’à opérer une sorte de péréquation des fortunes. Il va de soi que le but ne fut pas atteint dans la pratique. D’abord, quand on procédait à un partage, on ne s’astreignait pas à faire des parts rigoureusement égales. De plus, on ne prenait aucune précaution pour empêcher l’inégalité de renaître dès le lendemain. Enfin, il n’était pas rare que l’œuvre accomplie lut bientôt annulée par le retour au pouvoir de ceux qu’on avait dépouillés. Bref, c’était toujours à recommencer.
Les convoitises de la foule visaient principalement la terre, parce que la terre était la plus apparente et la plus solide des propriétés ; mais il ne s’ensuit pas qu’elles respectassent les esclaves, l’argent, et, d’une façon générale, les objets mobiliers. On mettait la main sur tout, quand l’occasion s’offrait. Parfois on couvrait ces spoliations d’un semblant de légalité. Mais, le plus souvent, c’est à la violence seule qu’on avait recours. Une émeute éclatait contre les riches. Si elle triomphait, les vainqueurs tuaient, leurs adversaires ou les exilaient. La mort et le bannissement entraînaient la confiscation L’Etat s’emparait