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avait pour l’esclave et même pour l’affranchi tout le dédain d’un aristocrate. Il lui en coûta de plus en plus de s’assimiler à lui par son genre d’existence. Il se persuada qu’en travaillant comme lui, il se ravalait à son niveau. Son métier prit à ses yeux un caractère servile, par cela seul que des esclaves l’exerçaient aussi, et il tendit à se réfugier dans l’inaction pour sauvegarder sa dignité.

Le régime démocratique, arrivé à son entier développement, finit en somme par produire les mêmes effets que le régime oligarchique. Dans l’un et dans l’autre, l’oisiveté du citoyen fut la conséquence naturelle de ses droits politiques. Pour être véritablement ce que la loi voulait qu’il fût, il fallait qu’il neuf pas à compter avec les exigences matérielles de la vie et qu’il fût absolument maître île son temps. Au dire de Périclès, un des traits de la République athénienne était que chacun pouvait y vaquer simultanément aux a lia ires de l’État et à ses propres affaires. Plus tard, les deux choses parurent quelque peu incompatibles, et l’on se crut forcé de choisir. Si les gens du peuple avaient été défrayés de tout par le Trésor, ils auraient certainement cessé leur travail. Ils ne continuèrent de travailler que parce qu’ils recevaient sur les fonds budgétaires des subsides insuffisans. Les étrangers domiciliés étaient dans une situation bien différente. Ils n’avaient, quant à eux, aucun droit ni aucune obligation politique ; ils n’avaient non plus rien à espérer de l’Etat, qui tolérait leur présence. Aussi leur activité, loin de diminuer, ne lit-elle que s’accroître. Dans les chantiers publics, il y avait, au Ve siècle, autant de citoyens que d’étrangers ; au IVe siècle, il y en avait deux fois moins. Ceux-ci envahirent, dans le domaine industriel et commercial, sinon dans le domaine agricole, la place que ceux-là laissaient libre, de même que jadis les roturiers avaient pénétré dans toutes les parties de l’économie que les nobles méprisaient. L’évolution fut pareille dans les deux cas, et elle fut régie par les conditions de la vie politique.


IV

Un pas de plus fait dans la même voie conduisit au socialisme.

Si l’on appelle de ce nom la doctrine qui pousse l’Etat à