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intérêts, et c’est surtout de ce côté que se dirigeaient les étrangers, précisément parce que la possession du sol leur était fermée. Les affranchis avaient presque le monopole des opérations de banque. Mais beaucoup de citoyens étaient aussi « dans les affaires, » comme chefs d’industrie, comme simples artisans, ou comme négocians.

L’économie rurale reposait sur le principe de l’exploitation directe. Le servage avait toujours été ignoré des Athéniens ; le colonat avait été aboli d’assez bonne heure ; quant au fermage, il n’était probablement usité que pour les biens de l’Etat, des temples et des associations ; en tout cas, ou ne rencontre jamais dans les textes un particulier qui donne ses champs en location. Chacun faisait valoir lui-même, mais par des procédés différens.

Il faut distinguer à ce propos les petits et les gros propriétaires. Les premiers possédaient parfois deux ou trois esclaves ; mais ils cultivaient la terre de leurs mains, avec leur famille. Les comédies, qui sur ce point reproduisent fidèlement la réalité, en placent plusieurs sous nos yeux. Tel est ce Chrémylos qui se plaint de sa pauvreté dans le Ploutos d’Aristophane ; il n’est pas seul de son espèce, puisque ses amis vivent et travaillent exactement comme lui. Dans la Paix, le chœur se compose d’agriculteurs qui visiblement sont autre chose que des journaliers. A la même classe appartient le personnage qui décrit ainsi son existence : « On réside à demeure sur son coin de terre, loin des tracas de l’agora. Un atout à soi un modeste attelage de bœufs ; on entend le bêlement de son troupeau, et l’on se régale, à l’occasion, d’un poisson ou d’une grive. » Dans les orateurs attiques, on aperçoit des gens de condition pareille. Un client de Lysias, qui était tout au plus dans l’aisance, allait le matin à la campagne et rentrait le soir harassé de fatigue. Son ami Sostratos menait le même genre de vie. Un plaidoyer de Démosthène met en présence deux Athéniens qui sont en procès parce que les eaux de pluie se déversent de l’un chez l’autre et y font des dégâts. A la fin du IVe siècle, on constata que, sur 21 000 citoyens, 12 000 avaient un capital inférieur à 2 000 francs. Nul doute que, parmi eux, il n’y eut une foule de petits exploitans.

Les gros propriétaires étaient rares, et leurs domaines ne dépassaient pas les dimensions de ce que nous appelons aujourd’hui