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leur esprit d’insubordination. Installé héréditairement sur une terre qui n’était pas à lui, il était astreint au paiement d’une redevance immuable. C’était, non pas une part proportionnelle de la récolte, mais une quantité invariable de blé, de vin et d’huile. Il résulte de là que, si l’immeuble devenait plus productif, le serf seul en bénéficiait. Aussi n’était-il pas rare que les hilotes de Laconie eussent des économies : vers le milieu du IIIe siècle avant Jésus-Christ, six mille furent en état de verser sur l’heure le prix de leur affranchissement. Partout où il fut établi, le servage fit des loisirs au citoyen. Le labeur des serfs lui fournissait au moins le nécessaire, et des précautions avaient été imaginées pour que la terre ne lui échappât jamais. Ainsi abrité contre le besoin, il n’avait pas à redouter les suites de l’oisiveté, et il n’y avait aucun inconvénient à lui interdire, comme à Sparte, tout travail.

En Attique, on eut recours à un procédé différent. Dans ce pays, le sol, au VIIe siècle, était entièrement accaparé par les riches, qui en confiaient l’exploitation à la classe des pélates. Ceux-ci n’étaient pas des esclaves, ni même des serfs, mais des hommes libres qui cultivaient la terre d’autrui en vertu d’un contrat volontairement souscrit. Ils remettaient au maître les cinq sixièmes des fruits et n’en gardaient, pour eux que le sixième. On a quelque peine à croire que la part du colon fût si faible ; mais, outre que le témoignage d’Aristote est formel sur ce point, nous savons qu’aujourd’hui encore un tarif analogue est usuel chez les Arabes d’Algérie. La condition de ces tenanciers était évidemment très précaire. Quand la récolte était mauvaise, il leur était impossible de payer leur rente ; ils se voyaient même forcés plus d’une fois de solliciter des avances, et, au moment de ; l’échéance, ils ne pouvaient pas toujours acquitter leur dette. En ce cas, le créancier avait le droit d’emmener son débiteur dans sa maison et de le condamner à travailler pour son compte jusqu’au remboursement intégral, à moins qu’il ne préférât le vendre ; à l’étranger comme esclave. Les poésies de Solon attestent que ce n’était point là une vaine menace. Le peuple n’apercevait qu’un remède à ces maux, c’était le partage des terres. Le législateur n’alla pas si loin : il se borna à liquider le passé par l’abolition totale des créances, et, pour l’avenir, il défendit aux prêteurs de prendre leurs sûretés sur la personne des débiteurs. L’Attique est la seule contrée de la Grèce où l’on remarque cette