de la nourriture et de quelque vêtement. Pour se faire embaucher, le moment le plus favorable était le temps de la moisson et des vendanges, quand la besogne pressait, et ce sont en effet des mercenaires qui coupent le blé dans la scène représentée sur les armes d’Achille. Les thèles, comme on les appelait, avaient sur les esclaves l’avantage d’être libres ; mais, en réalité, ils étaient beaucoup plus malheureux, parce qu’ils n’étaient jamais sûrs du lendemain. Ils avaient beau se contenter de peu, ils ne trouvaient pas toujours à se placer, et, quand ils y parvenaient, ce n’était là généralement qu’un court répit à leur détresse. « Rien n’est pire pour les hommes que les courses vagabondes, s’écrie un personnage d’Homère ; le fatal estomac leur cause de cruels soucis, quand ils sont errans, en proie à la misère et à la souffrance. » Voilà pourquoi l’esclave préférait la servitude à une liberté aussi périlleuse. Qu’aurait-il fait de lui-même, s’il avait quitté son maître sans ressources propres ? Il ne comprenait l’affranchissement que s’il était accompagné d’une concession de terres qui lui donnât de quoi subsister.
Rien que la famille fût organisée de manière à produire la plupart des objets indispensables, il y avait, dans les siècles homériques, une classe d’artisans libres, et le poète, loin d’avoir pour eux du mépris, croit qu’ils sont souvent inspirés par les dieux. Parmi eux, plusieurs étaient peut-être nomades et allaient de ville en ville ; mais la plupart étaient fixés dans le lieu où ils travaillaient. Il ne semble pas que les métiers fussent très nombreux ; c’est tout au plus si l’on en cite cinq ou six qui soient bien distincts. Mais il faut noter d’abord que le régime patriarcal était un obstacle au développement de l’industrie libre, et, en outre, que la division du travail était dans l’enfance. Les professions avaient des limites très indécises et étaient déterminées moins par la nature du travail que par la nature de la matière qu’on traitait. Elles se transmettaient fréquemment de père en fils, sans que ce fût pourtant une règle obligatoire. Rien ne prouve qu’il y ait eu en Grèce, comme le suppose Grote, quelque chose de comparable à ce qu’on remarque dans l’Inde, où chaque village a son forgeron, son charpentier, son potier, surtout si l’on ajoute que ceux-ci sont payés par la communauté. Quiconque avait un métier avait la faculté de l’exercer à ses risques et périls. On ne songeait même pas à écarter la concurrence des étrangers, et ce n’était pas uniquement comme esclaves