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conditions, se ressemblaient tout au moins en ceci qu’ils étaient journellement associés à la même tâche ; ce qui les empochait de se regarder mutuellement comme des étrangers.

Le service domestique était en général réservé aux femmes. Les hommes y prenaient part également, mais d’une façon plus discrète. Homère, en tout cas, mentionne beaucoup moins souvent leur présence. La plupart font office de cochers et de palefreniers ; quelques-uns apportent les plats, découpent les viandes, versent à boire, et les fonctions sont si peu spécialisées qu’on appelle volontiers de la campagne un porcher, un bouvier, un pâtre pour aider les serviteurs. Les femmes sont plus nombreuses. Ulysse, qui pourtant n’était pas un prince très opulent en avait cinquante chez lui, et il en était de même d’Alkinoos. Ce chiffre si élevé tient d’abord à l’extrême diversité du travail intérieur qui, on l’a vu, avait une tout autre extension qu’aujourd’hui. Il s’explique aussi par un certain gaspillage de main-d’œuvre. Ainsi, dans le palais de Ménélas, quand Hélène paraît, Adrastè avance pour elle un siège, Alkippè place sous ses pieds un tapis de laine, et Phylo lui présente une corbeille en argent. Tout ce monde était dirigé par la maîtresse du logis, assistée d’une intendante, qui était d’ordinaire une vieille esclave, parfois une ancienne nourrice. Celle-ci n’était pas une simple surveillante ; elle travaillait comme les autres, et elle avait de plus la garde des provisions et la charge de dresser les novices. Chaque servante avait sa tâche particulière, sans y être absolument confinée, et il n’était pas rare qu’une brodeuse, par exemple, quittât momentanément son métier pour vaquer aux soins du ménage. Vivant en contact perpétuel avec leur maîtresse, dont elles partageaient les travaux, les joies et les peines, ces femmes étaient habituellement dociles et soumises. Elles ne devenaient insubordonnées que lorsque l’absence prolongée du maître livrait la maison à l’anarchie. Pénélope, restée seule à Ithaque avec un fils trop jeune, » était pas toujours obéie, et plusieurs de ses servantes se laissèrent entraîner à tous les excès par les prétendans.

Les travaux des champs étaient faits presque entièrement par des esclaves mâles. A l’époque homérique, les terrains cultivés étaient encore peu étendus, tandis que les pâturages couvraient de grands espaces. On se nourrissait principalement de viande, et la richesse se mesurait à la quantité de têtes de bétail que