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I

Les plus vieux documens qui nous renseignent sur l’organisation du travail en Grèce sont l’Iliade et l’Odyssée. La société hellénique remonte beaucoup plus haut, et les découvertes archéologiques prouvent qu’il y eut, avant le temps où on place ces deux poèmes, de longs siècles d’activité agricole et industrielle. Mais, des hommes qui vivaient dans l’Hellade préhistorique, nous ne connaissons que les œuvres ; quant à eux, nous ignorons à peu près ce qu’ils étaient. Pour nous borner à une question bien simple, le mode de travail le plus usuel était-il alors le travail libre ou le travail servile ? C’est ce qu’il est impossible de dire. Il nous faut descendre jusqu’à l’époque homérique, c’est-à-dire jusqu’à la période comprise entre le Xe et le VIIe siècle avant Jésus-Christ, pour sortir un peu de toutes ces obscurités.

Si l’on veut savoir comment les hommes travaillaient en ce temps-là, il importe d’examiner au préalable de quelle manière la famille était constituée. La famille hellénique avait, à l’origine, un caractère patriarcal. Elle ressemblait à ces communautés domestiques qu’on aperçoit encore en Orient, dans quelques villages de Hongrie, de Croatie, etc., et qui groupent sous le même toit plusieurs dizaines de personnes, toutes parentes entre elles. Voici, par exemple, sous quel aspect nous apparaît, dans l’Iliade, le palais de Priam : « Il y avait cinquante appartenions construits côte à côte, en pierres polies ; là reposaient auprès de leurs épouses les fils de Priam. En face, dans la cour des femmes, s’élevaient douze appartemens où reposaient auprès de leurs chastes épouses les gendres du roi. » De même, dans l’Odyssée, nous voyons à Pylos, autour de Nestor, six fils mariés, plusieurs brus, plusieurs filles et une foule de petits-enfans. L’entourage du roi Alkinoos, dans l’île de Schéria, est plus restreint ; pourtant on y compte deux fils mariés, trois fils garçons, et une fille.

La famille patriarcale est un organisme qui se suffit à lui-même et qui est pourvu de toutes les ressources nécessaires à la vie. Elle possède une maison qui l’abrite tout entière, un domaine étendu qui demeure en général dans l’indivision, des serviteurs libres ou non qui l’aident dans ses travaux ; et, comme tous ses membres sont également intéressés à sa prospérité, tous