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J’espère que Dieu, dont la Providence veille sur nous, finira par nous rendre l’un à l’autre. Vous avez fait, l’an dernier, le voyage de Corbara : c’est à moi, désormais, à faire celui de Paris.

J’ai reçu ces jours-ci une lettre charmante de M. de Falloux ; c’est un des hommes de notre temps auquel j’ai le plus d’obligation, car il a été d’une fidélité invariable envers moi, et il n’a cessé de me défendre contre tous.

Si vous en trouvez l’occasion, je vous prie d’exprimer de ma part à Émile Ollivier tous mes sentimens de condoléance. Cet homme, que j’admirais à cause de son immense talent, m’est plus sympathique encore par ses grandes épreuves. Et moi qui ai bu à la coupe amère, je me sens pris d’une irrésistible sympathie pour ceux qui ont souffert.

Je sais que vous avez eu un triomphe nouveau à Mâcon, dans une affaire tragique… Bravo ! mon ami, bravo !

Rappelez-moi au souvenir des vôtres.

Je vous embrasse d’un cœur ému et je suis à vous cordialement.


En juillet 1881, le P. Didon recevait enfin l’autorisation de rentrer en France. Son exil avait duré plus d’un an !

Il avait déjà commencé à préparer sa Vie du Christ.

Mais, avant de l’écrire, il voulut étudier, pour mieux les réfuter, les ouvrages des écrivains qui avaient nié la divinité de Jésus. Il voulut les étudier, non dans des traductions plus ou moins fidèles, mais dans le texte original. Pour cela, il fallait connaître l’allemand. Je lui indiquai un professeur. Il appliqua toute son énergie, toute sa puissance de travail à cette étude. Au bout de six mois, il connaissait les élémens de cette langue. Il voulut la connaître à fond, de façon à la parler et à l’écrire. Un voyage en Allemagne était nécessaire.

Il partit en février 1882.

Il ne se munit d’aucune lettre de recommandation.

Il ne connaissait personne. Plus il se trouverait isolé, mieux il pourrait s’assimiler la langue du pays.

Avec l’autorisation de ses supérieurs, il fut entendu qu’il irait faire un séjour en Allemagne. Il serait non plus le P. Didon, mais M. Henri Didon, étudiant.

Voici la première lettre que je reçus, datée de l’Allemagne :


Leipzig, 26 mars 1882.

Mon cher ami,

J’ai attendu, pour vous écrire, de m’être installé, ou mieux, campé, dans la première étape de mon voyage en pays allemand.