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Je vivais dans une cellule à côté de celle du P. Didon. Je partageais le repas des moines.

A l’honneur des moines de Corbara, je dois dire qu’ils ne se méprirent pas sur le caractère du P. Didon. Ils le traitèrent avec la plus grande déférence et lui témoignèrent la plus respectueuse admiration.

Dans toutes les cérémonies, il était placé à côté du Prieur.

On voulut même le nommer Prieur. Le P. Didon refusa.


Corbara, 7 novembre 1880.

Mon cher ami,

Il y a quinze jours, à pareille heure, je vous disais adieu ; j’espérais vous rejoindre bientôt, mais les jours se succèdent et rien n’est changé. L’exil demeure.

De quel charmant rayon vous l’avez éclairé ! J’en jouis encore, car le rayon ne s’est pas éteint. Tout se conserve mieux dans cette belle solitude, et il me semble que je vous entends encore dans cette cellule voisine où vous avez vécu comme un vrai moine.

Vous avez laissé à tous une excellente et parfaite impression. Les Pères me disent souvent : Avete notizie del signore ? Com’ è bravo, questo Signore ! Com’è pulito !

Je continue ma vie de travail telle que vous l’avez observée ; et, tandis que vous avez repris votre existence agitée dans ce milieu parisien dévorant, moi, je prépare l’ouvrage dont je vous ai parlé, et je vois sans impatience ma solitude et mon exil se prolonger.

Une dépêche m’a annoncé vendredi que les deux couvens dominicains de Paris n’existaient plus. Mon cœur s’est serré. Que vont devenir tous ces moines ? Leur temps est-il fini ? et surgira-t-il de ces ruines des apôtres nouveaux pour évangéliser la jeune et incrédule génération ? Il le faudra bien.

Je pense que, malgré tout, cher ami, nous nous retrouverons bientôt. Quelle joie j’aurai de me revoir au milieu de vous tous ! Dites-le à votre femme.

Sa lettre doit vous être parvenue enfin ; elle a été expédiée, le jour même de son arrivée ici, sous une enveloppe à l’adresse de M. Franceschini-Pietri. Nous pensions qu’elle arriverait à Bastia avant votre départ. Nous nous sommes trompés.

Adieu, cher ami, à vous de tout cœur.