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du rejet furent exposés par le comte de Limbourg-Stirum, au nom du parti conservateur, de la façon suivante :

« Il n’est pas prouvé que le canal soit nécessité par les intérêts agricoles. Il paraît, au contraire, devoir leur porter atteinte à bien des points de vue, notamment en étendant la zone de pénétration de la concurrence étrangère, que l’on sera impuissant à enrayer, même par des mesures de tarification, ensuite en provoquant l’exode d’un grand nombre de travailleurs des champs. Cependant le parti conservateur pourrait passer outre à ces inconvéniens, si le projet était avantageux pour les intérêts généraux du pays, mais ce n’est pas le cas. Le but avoué du canal est la réduction des tarifs de transport, mais cette réduction ne profitera guère qu’aux expéditions provenant des mines de la Ruhr, et son effet sera par suite d’apporter dans les débouchés actuels des modifications de nature à gêner le développement industriel des régions non desservies par les canaux. Si l’on veut rétablir l’équilibre par des compensations, on aura en perspective une série de projets de canaux irréalisables au point de vue financier.

« D’ailleurs, les intérêts de l’Etat seront également lésés. La situation financière de la Prusse repose sur le revenu des chemins de fer ; or, une conséquence inévitable de la construction des canaux serait la réduction des tarifs, à laquelle seraient forcés de consentir les chemins de fer, pour conserver leur trafic et pour égaliser les conditions de transport dans les différentes régions du pays. De là un déficit irrémédiable, qui obligerait l’État soit à restreindre des dépenses nécessaires, soit à augmenter les impôts directs. »

Malgré ce premier échec, le gouvernement, se conformant au désir de l’Empereur, qui tenait essentiellement à ce que le projet aboutît, affronta le débat devant le Parlement, après avoir cherché à se concilier, par des promesses de compensation, les voix des représentans de la Silésie, qui s’étaient montrés hostiles dès le début. La discussion publique recommença le 15 juin 1899, et le chancelier de l’Empire, le prince de Hohenlohe, intervint personnellement pour expliquer et appuyer le projet.

« Le gouvernement, — déclara-t-il en terminant, — ne méconnaît pas que la réalisation de cette œuvre pourra produire des modifications dans les conditions de production et de consommation, modifications qui peuvent être susceptibles de