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la navigation un mouvement qui s’étendit rapidement. Un journal fut fondé à Munster sous le titre Canaux et Industrie pour défendre et propager les nouvelles doctrines ; il fut transporté ensuite à Hanovre, lorsque se dessina le projet du Canal central. Petit à petit, ce mouvement reçut l’appui des Chambres de commerce libre-échangistes, des constructeurs et auteurs de projets plus ou moins grandioses, de la presse libérale et libre-échangiste, d’associations importantes de navigation, telles que l’Union centrale berlinoise pour la navigation intérieure. « Il se livra ainsi une bataille de dix ans dont les résultats montrent ce que peut obtenir une agitation bien organisée, pas toujours scrupuleuse dans le choix de ses moyens, et couvrant son vrai but, qui est la satisfaction des intérêts particuliers de la grande industrie, du prétexte de l’intérêt général[1]. »

Le premier résultat obtenu fut la construction du canal de Dortmund à l’Ems, voté en 1886 et terminé en 1899 au prix d’une dépense de 105 millions, qui sera portée vraisemblablement à 120 avec les travaux complémentaires reconnus indispensables. L’objet de ce canal était, comme nous l’avons dit, de donner au district métallurgique et minier du Rhin et de la Westphalie un débouché sur la Mer du Nord, sans être tributaire des ports belges et hollandais. Les espérances que l’on fondait sur lui étaient des plus brillantes, car le tonnage annuel était évalué à 1 500 000 tonnes, et, grâce à un péage d’environ 0 fr. 006 par tonne-kilomètre, on escomptait un revenu de 5 pour 100 du capital d’établissement. Au point de vue économique, la nouvelle voie devait permettre aux houilles de Westphalie de refouler les charbons anglais, aider à combattre les importations britanniques non seulement en Allemagne, mais jusque dans les pays Scandinaves, et assurer la suprématie des ports allemands sur ceux de la Belgique et de la Hollande.

Depuis que le canal est ouvert, ces magnifiques espérances paraissent s’évanouir. La première année, on ne vit pas de charbons weslphaliens descendre vers les ports du Nord, mais bien, chose surprenante, 4 420 tonnes de charbons anglais remonter vers Munster et ses alentours ! L’année suivante, il y eut 24 000 tonnes de charbon de Westphalie dirigés sur Emden, mais ils étaient presque en totalité destinés à la marine nationale

  1. Canaux et flotte, par Paul Dehn. Berlin, 1900.