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supérieure à celle qu’elle lui prend ? L’exemple classique que l’on cite à l’appui de ce dire est celui de la ville de Francfort, où la canalisation du Mein, loin de nuire aux voies ferrées, aurait provoqué un accroissement considérable de leur trafic.

Il est exact que, dans cette ville, le tonnage expédié par chemin de fer s’est accru de 320 000 tonnes dans les trois années qui ont suivi la canalisation du Mein, tandis qu’il n’avait augmenté que de 70 000 tonnes dans les trois années précédant ce travail. Mais, si l’on examine les choses de plus près, on aperçoit que cette différence ne constitue pas un gain réel pour le chemin de fer, car elle provient de marchandises qui étaient autrefois transportées de bout en bout par voie ferrée et qui, depuis que le Mein est navigable jusqu’à Francfort, sont acheminées par eau jusqu’à cette ville, pour y être transbordées dans le chemin de fer, ou vice versa. Pour les houilles, en particulier, on constate que, tandis que les expéditions par chemin de fer à Francfort, en provenance de la voie d’eau, augmentaient de 80 000 tonnes, le transport des charbons de la Ruhr par rails, à destination de Francfort, diminuait de 40 000 tonnes, sans compter ce qui était autrefois expédié au-delà de cette ville et qui y est maintenant transbordé, comme nous venons de le dire. Or, ces transports effectuaient jadis un parcours de 300 à 400 kilomètres par voie ferrée, tandis que ceux qui sont maintenant réexpédiés de Francfort ne font plus qu’un petit trajet sur rails, et ne laissent, pour les raisons déjà données, qu’un bien moindre bénéfice[1].

Pour d’autres localités desservies à la fois par rails et par eau, l’accroissement que l’on constate dans le trafic du chemin de fer, à la suite de sa jonction avec la voie navigable, provient de détournemens effectués avec le concours de la batellerie au détriment d’autres réseaux, comme nous en avons cité de nombreux exemples au début de ce chapitre. Mais, dans ce cas, ce qui profite à une administration de chemins de fer préjudicie à l’autre. En se plaçant à un point de vue absolu, on ne peut donc dire que la voie ferrée retire un bénéfice de son contact avec la voie d’eau.

  1. Ulrich, Tarifs différentiels et voies navigables.