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reconnaître : « Il est incontestable, dit l’un d’eux[1], et du reste cela est absolument naturel, que la concurrence des chemins de fer sur les deux rives du Rhin s’est exercée et devait s’exercer surtout aux dépens du trafic à courte distance. Plus le parcours qu’une marchandise doit franchir est faible, moins elle est disposée à emprunter les voies navigables, dont les inconvéniens indéniables : transport moins rapide, incertitude des délais de livraison, dangers plus grands, ne sont pas rachetés par le bon marché. Mais, lorsque, au contraire, une marchandise doit franchir un long parcours, la voie navigable est préférée à la voie ferrée. »

Du côté des chemins de fer, on constate la même situation, mais en lui attribuant un motif et des conséquences d’un ordre différent : pour les chemins de fer comme pour la navigation, le trafic à courte distance est le moins rémunérateur, car il utilise mal les moyens de transport ; par exemple, les wagons à marchandises ne fournissent pas, dans un service de ce genre, le quart de leur rendement moyen. Cela tient à ce que les opérations de chargement et de déchargement exigent le même temps, que le wagon ou le bateau ait effectué un parcours de 50 ou de 500 kilomètres. Il en résulte que le batelier ne se charge pas des transports à courte distance ou que, s’il les entreprend, ce n’est que contre un fret plus élevé, tandis que le chemin de fer est obligé d’assurer ces transports comme les autres. Pour le remercier, on l’accable de récriminations quand les wagons font défaut au moment du fort trafic d’automne, qui dépasse considérablement la moyenne de l’année et porte surtout sur des transports agricoles à petit parcours. Les bateliers, qui ont généralement laissé au chemin de fer le soin de pourvoir aux transports de cette nature, les estimant trop peu avantageux, ne manquent pas ensuite de prononcer dans les réunions des discours retentissans sur l’incapacité et l’insuffisance des chemins de fer et de demander la construction de canaux aux frais de l’Etat, comme le seul remède efficace.

Ainsi, au point de vue des parcours comme à celui de la nature des marchandises, la navigation ne prend pas seulement, comme on l’a prétendu, des transports qui ne seraient pas productifs pour le chemin de fer. Est-il plus vrai qu’elle lui rende, sous une forme indirecte, une quantité de marchandises

  1. Le Rhin au point de vue de son importance économique et des tarifs de transports, par le Dr Landgraff.