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d’établissement. D’ailleurs, même sur les canaux d’Etat, le principe posé par l’article 54 de la Constitution de l’Empire n’est pas strictement observé. C’est ainsi qu’en 1896, le ministre des Travaux publics disait au Parlement prussien : « Le canal Finow produit l’intérêt d’un capital de 10 millions de marks, bien qu’il n’ait pas coûté 2 millions. Les autres voies navigables de la Marche donnent aussi un revenu considérable[1]. »

Bien entendu, les péages s’étendent non seulement aux canaux proprement dits, mais aux fleuves et rivières canalisées, qui sont considérés comme des voies artificielles. C’est ainsi que le Mein, entre Francfort et Mayence, l’Oder supérieur, donnent lieu à la perception de droits[2]. Mais on a été encore plus loin en autorisant par une loi d’Empire, en 1896, l’État de Brème à percevoir sur la Weser inférieure des péages variant de 0 fr. 02 à 0 fr. 005 et ayant produit, en 1898, une somme de près de 800 000 francs. On a ainsi assimilé cette section du fleuve, qui avait donné lieu à d’importans travaux de régularisation, à un cours d’eau canalisé[3]. D’aucuns estiment que cette manière de faire est parfaitement compatible avec l’article 54 de la Constitution de l’Empire, qui prescrit de ne percevoir de taxes sur les cours d’eau naturels que pour « l’utilisation d’installations spéciales destinées à faciliter le trafic, » et ils proposent même que cette interprétation soit étendue à tous les fleuves, tels que le Rhin et l’Elbe, où d’importans travaux de régularisation et d’aménagement ont été faits, ces travaux étant spécialement destinés à faciliter le trafic. Cette opinion a trouvé de l’appui chez les représentans de l’administration et du gouvernement allemands. Le Dr Schumacher, chef de la division des voies navigables au ministère des Travaux publics, l’a développée récemment avec autorité[4]. De son côté, le ministre des Finances a fait à plusieurs reprises des déclarations dans le même sens au Parlement prussien[5]. Il a même annoncé que des négociations étaient

  1. Lotz, Développement du trafic de l’Allemagne de 1800 à 1900. Leipzig, 1900.
  2. Lotz, loc. cit.
  3. Enquête du Comité de la Loire navigable.
  4. « Considérations théoriques sur la question des péages sur les voies navigables en Allemagne. » Archiv fur Eisenbahnwesen, mars-avril 1901.
  5. Dans la séance du 4 février 1893, notamment, M. de Miquel s’exprimait ainsi au sujet du relèvement des droits de navigation sur les canaux de la Marche :
    « Le crédit d’amélioration de ces voies est prévu sous réserve d’un relèvement correspondant des droits de navigation. Cela correspond d’ailleurs à la manière de voir du Gouvernement sur la question. J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer l’avis qu’il est impossible de poursuivre l’aménagement de nos voies, la construction de nouveaux canaux, l’approfondissement et l’élargissement des fleuves, l’installation d’un système approprié d’écluses, sans percevoir une compensation, au moins modérée, pour la caisse de l’État. La Chambre sera certainement d’accord pour faire comprendre au pays que les grosses dépenses que nous consacrons à l’amélioration de la navigation sur les fleuves et les canaux ne peuvent être faites à fonds perdus. »