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pourraient au reste faire autrement : une rupture ne leur laisserait presque aucun ouvrage à représenter. Leur charte se formule en un traité qui fixe les délais, — deux ou trois ans au maximum, — dans lesquels doit être jouée la pièce reçue par eux, sous peine d’une indemnité qui va jusqu’à 3 000 francs pour cinq actes. Il est stipulé que la chute d’un ouvrage n’est acquise et constatée qu’après la troisième représentation. Les auteurs d’une pièce mal accueillie peuvent donc toujours exiger ces trois épreuves. En revanche, ils ne peuvent retirer un ouvrage du répertoire lorsque, dans l’espace d’un an, il a eu dix représentations consécutives. Dans le cas où les auteurs, jugeant leur pièce imparfaite, voudraient en retarder la « première, » le directeur peut les mettre en demeure de la rendre jouable dans un délai de dix jours, au bout desquels il lui est permis de passer outre.

La Société a su étendre son autorité aux cafés-concerts, qui longtemps avaient prétendu s’y soustraire, et où elle prélève environ 200 000 francs ; son activité s’exerce à l’étranger, dans les pays qui ont avec le nôtre des conventions littéraires, et dont les théâtres versent annuellement 300 000 francs à nos compatriotes.

Par sa surveillance, au-delà de nos frontières, elle découvre et démasque ce qu’on nommait d’un euphémisme poli les « adaptations ; » lesquelles n’étaient autre chose que la contrefaçon de nos pièces françaises, dont on changeait les titres et les noms de personnages pour esquiver le paiement des droits. Là où nul traité international ne garantit leur propriété, nos auteurs doivent se défendre eux-mêmes et n’y parviennent pas toujours : telle pièce en vogue, comme le Tour du monde, fut sténographiée à l’audition et envoyée à une troupe des Etats-Unis qui en tira d’amples recettes.

Le montant global des droits perçus par la Société des auteurs, qui n’était en 1855 que de 1 300 000 francs et en 1866 de 1 920 000 francs, s’élève aujourd’hui à 3 740 000 francs. Si l’on y joint les « billets d’auteur, » dont le montant varie de 80 à 120 francs par soirée suivant les théâtres, et que l’on évalue à 500 000 francs par an, on constate que, de toutes les productions littéraires, celles qui revêtent la forme scénique sont, au point de vue de la rémunération, les plus favorisées. Les « billets d’auteur » avaient été dans le principe un cadeau de la direction, destiné aux amis de celui qui tenait l’affiche. Ils devinrent un