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le monde, excepté le président Jeannin, criait que la situation était intolérable et qu’il fallait en finir. C’était des railleries sanglantes sur l’irrésolution et le manque de courage du favori.

Il fallait donc se résigner à la guerre.

Mais alors, ceux qui la conduiraient seraient bientôt les maîtres de l’esprit du Roi. En chevauchant auprès de lui, quelque Condé ou quelque Bassompierre se glisserait, par les périls partagés, à la faveur. Luynes agitait en lui-même cet autre problème, le plus grave de tous à ses yeux : il connaissait Louis XIII et savait qu’il ne fallait pas le quitter d’un pas, sous peine de le perdre.

C’est alors qu’une idée, vaguement entrevue, se précisa en son esprit, celle de se faire nommer connétable : la fonction était vacante depuis la mort du connétable de Montmorency, en 1614. Ainsi, il parait à tout. Il satisfaisait une ambition suprême ; il restait maître de la paix et de la guerre ; il accompagnait le Roi aux camps, si les hostilités venaient à éclater ; enfin, il croyait tout dominer du jour où il aurait accaparé tout. Pour que personne ne fût plus fort que lui dans le royaume, il crut habile, comme le dit bientôt Louis XIII, lui-même, de « faire le roi. »

Le voilà donc, le 2 avril 1621, armé de cette épée de connétable, le plus noble insigne de la puissance dans une monarchie militaire ; le voilà chargé de ce fardeau, accablé de cette suprême responsabilité, devant la France, surprise qu’on puisse commander les armées, sans aucun service sur le champ de bataille.

Maintenant, il décide de tout, et il hésite encore. Le Roi, dans ce même moment, quitte Paris pour se rendre à Fontainebleau. On dit qu’il va se mettre à la tête de son armée, et l’on ne sait pas encore si c’est pour aller, en Poitou, faire la guerre aux huguenots, ou si c’est pour marcher, par Lyon, droit sur les Alpes pour porter secours aux Grisons.


Luynes dispose donc, encore une fois, du sort de l’Europe. Mais on dirait qu’une destinée supérieure arrange, à ce moment, les péripéties haletantes du drame.

Luynes, qui croit encore à la paix, se laisse arracher, l’une après l’autre, les résolutions qui rendent la guerre inévitable. Le 12 avril, le Roi fait vérifier, au Parlement, l’édit de vente de 400 000 livres de rentes sur les gabelles, en fondant la nécessité