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pour la conservation des places les plus exposées, Marans, Jargeau, Saumur et Sancerre ; le 8, on étendit la mesure à toutes les places de sûreté : on en était, maintenant, à une sorte de mobilisation générale des forces du parti. Le 13 janvier, on décida la constitution d’un fonds destiné à subvenir aux besoins les plus pressans ; le 19, l’Assemblée désigna six de ses membres pour assister « au conseil extraordinaire établi près le maire de La Rochelle, afin d’aviser aux affaires les plus importantes ; » enfin, dans les derniers jours du mois de février, les hostilités furent ouvertes par l’enlèvement, de vive force, de la ville de Privas. Le duc de Montmorency, gouverneur du Languedoc, et le duc de Ventadour, lieutenant du roi, font, sur l’ordre de la Cour, de vains efforts pour reprendre la place.

Cependant, dans le sein même du parti, tout ce qui réfléchissait était effrayé des conséquences d’une nouvelle guerre. Le désaccord qui s’était produit au sujet des affaires du Béarn se renouvelait, en s’aggravant. A l’exception de La Force, tous les grands seigneurs protestans conseillaient à l’Assemblée de se dissoudre, pour obéir aux ordres du Roi. Quelques-uns d’entre eux s’étaient même réunis à Niort : ils voulaient se consulter et donner plus de poids, par leur action commune, à leurs conseils pacifiques. Bouillon faisait savoir qu’il se séparerait du parti, si on poussait les choses à l’extrême ; La Trémoille, Chàtillon ne laissaient aucun doute sur leur intention d’abandonner leurs coreligionnaires, si la guerre éclatait. Lesdiguières écrivait, le 1er février, à l’assemblée de La Rochelle, une lettre qui était le bon sens même : « Quant aux occasions de vos assemblées, elles sont si petites qu’elles me paraissent fort peu… Je presse votre séparation, parce que, sans elle, je me vois avec déplaisir privé du moyen de vous aider et recourir auprès du Roi. » Rohan écrivait encore, le 21 février : « Pour moi, je m’emploierai jusqu’au bout, pour apaiser les choses. » Duplessis-Mornay négociait désespérément.

Il semble bien que l’Assemblée elle-même serait entrée volontiers dans les voies pacifiques. Mais, à ce moment, elle délibérait sous la menace. L’émeute était à ses portes. La commune, ou, pour être plus exact, la populace de La Rochelle s’était emparée de la direction effective de la Cause. Le 27 février, la foule avait envahi l’Assemblée et lui avait enjoint de rejeter toute proposition d’accommodement,