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où nos ambassadeurs à Vienne, le Duc d’Angoulême, Béthune et Chateauneuf, le suppliaient de faire volte-face et de s’arranger avec les protestans de France pour conserver toute sa liberté d’action en Allemagne. Bassompierre, on le voit, tenait le même langage. Or, Luynes, au même moment, disait aux ambassadeurs vénitiens qui le harcelaient, au sujet de la Valteline : « Laissez-moi un peu manœuvrer tout seul dans cette affaire, et, de grâce, n’en parlez à personne d’autre. Nous cachons en nous des choses d’importance ; » et, comme ses interlocuteurs le pressaient, il ajoute, à leur grande surprise : « Les choses que nous cachons en nous regardent moins l’Italie qu’elles ne concernent ce royaume ; je vais vous le dire, mais, je vous en prie, gardez cela pour vous : nous finirons par nous débarrasser des affaires domestiques et de contenir les huguenots ; après cela, on se mettra rigoureusement aux affaires du dehors. » C’était, justement, le contre-pied de ce qu’attendaient les ambassadeurs.

Il est vrai que les protestans avaient fait, de leur côté, tout ce qu’il fallait pour lui forcer la main. Le Roi n’avait pas quitté le Béarn, qu’ils avaient, derrière lui, décidé de réunir une assemblée à La Rochelle pour pourvoir aux intérêts du parti. Une déclaration royale du 22 octobre défendit cette assemblée. On passa outre. C’était déjà la désobéissance : ce fut bientôt la rébellion. À Montauban, on expulse les catholiques de la ville. Dans le Béarn, on fait une tentative pour reprendre Navarreins. L’Assemblée « illicite » se réunit à La Rochelle, le 25 décembre 1620. La municipalité la reçoit, malgré l’ordre formel du Roi. Elle est composée de soixante-cinq membres, représentant toutes les provinces de France où il y avait des protestans.

L’Assemblée prend, dès le début, l’attitude d’un Comité de salut public. On décide que les votes auront lieu par têtes et non par provinces ; on déclare que les députés ne pourront voter que conformément aux instructions qu’ils ont reçues de leurs églises respectives : c’était donc une sorte de mandat impératif et la haute direction remise aux violens des démocraties communales ; enfin, on décide que le bureau serait renouvelé tous les trois mois. Toutes ces mesures affirmaient la prépondérance de l’élément démocratique et des ministres. C’était déjà un gouvernement qui se constituait.

Le 4 janvier, l’Assemblée ordonna à MM. de Chandollan, de Sully et du Plessis de prendre toutes les mesures nécessaires