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personnelles, selon ses intérêts particuliers, selon le calcul de sa faveur. Une fois son parti adopté, il suivit la pente jusqu’au bout. On trouve, ainsi, dans ses actes, une sorte de logique qui n’a rien de commun avec la sage ordonnance des nécessités successives et des contradictions nécessaires que plus de pénétration et de courage lui eussent apprise.


Cette double question, — unité politique à l’intérieur, et lutte contre la Maison d’Espagne au dehors, — se pose, en 1620, à propos d’une seule et même affaire dont il est facile de comprendre, maintenant, toute la gravité : il s’agit du Béarn et de la Basse-Navarre.

Jusque dans les dernières années du XVIe siècle, la Navarre avait formé un royaume d’une assez grande étendue, à cheval, en quelque sorte, sur les Pyrénées, et se développant, au Sud, dans la péninsule ibérique et, au Nord, dans les vallées qui descendent vers la Gascogne. Quand l’Espagne et la France devinrent de grands royaumes, la Navarre fut menacée par une double conquête. Cependant, l’Espagne d’Isabelle et de Ferdinand le Catholique étant la plus forte, la Navarre avait cherché un appui du côté des rois de France. Mais les rois d’Espagne avaient invoqué une bulle, plus ou moins authentique, du pape Jules II pour envahir la Navarre péninsulaire ; en 1512, le duc d’Albe l’avait subjuguée pour le compte du roi Ferdinand et avait ainsi dépouillé la famille régnant en Navarre des quatre cinquièmes de ses Etats.

Ces populations de montagnards, filles des plus vieilles races de l’Europe, sont indépendantes et fières : en disposant de leur sort sans leur consentement, Rome les avait frappées au cœur. Aussi, quand le protestantisme s’approcha de ces contrées et qu’il s’y glissa par la fine et séduisante influence de Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier, et par l’habile tactique de l’évêque d’Oloron, Gérard Roussel, il trouva le terrain tout préparé. La partie éclairée et riche de la population se donna de grand cœur. Les passions étaient si vives, qu’après une période de luttes violentes, sous le règne de Jeanne d’Albret, le calvinisme devint religion d’Etat. La religion catholique fut bannie ; les biens ecclésiastiques furent réunis au domaine et même, en partie, vendus et dispersés. Le Béarn devint ainsi, sur les Pyrénées, la citadelle du protestantisme en pays latin et l’arc-boutant