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vaste conjuration « républicaine » que le comte de Fridembourg dénonçait, en 1620, au roi de France. Il y avait déjà quarante-deux ans (en l’an 1578) que Bouillon, le même Bouillon, accompagné de quatorze ministres français, avait été envoyé en Allemagne, par le synode de Sainte-Foy, pour « traiter de l’union des Calvinistes et des Luthériens, qui se liait-à des projets de République fédérative ; » cette même politique, quarante-deux ans plus tard, — en 1620, — Bouillon, le même Bouillon, en poursuivait encore la réalisation.

Le protestantisme français suivait donc ces exemples et ces autorités : ses tendances étaient républicaines. Il ramassait, dans cette aspiration un peu vague, les sentimens d’indépendance qui, à des titres divers, gisaient au cœur des populations dévouées à la « Cause : » aristocrate et féodal avec les soigneurs et les grands, il était bourgeois et séparatiste avec les municipalités du Midi, et, avec celles de l’Ouest, il était démocrate et fédéraliste.

Tout cela se confondait en une seule et même formule : indépendance et autorité des communautés ; mais cette formule était précisément contraire à l’unité du royaume et à l’autorité des rois. Levassor définit, en ces termes, la position prise, en politique, par la plus grande partie de ses coreligionnaires, vers l’année 1620 : « Ils applaudirent sottement à leurs assemblées, qui commençaient à parler au pluriel et à dire : Nous. Flattés de je ne sais quelle chimère de République, ces gens imaginaient qu’un corps semblable, disaient-ils, aux Etats-Généraux du royaume, et composé des députés de la noblesse, du clergé et du tiers-état de la Réformation, ferait infiniment mieux qu’un prince-protecteur. »

Il est vrai que, dans le protestantisme même, les esprits étaient partagés. Des hommes pondérés et rassis comprenaient que, si le parti s’élevait contre l’unité nationale et contre la royauté qui représentait alors cette unité, il périrait. Ceux-ci n’oubliaient pas qu’ils avaient été les fidèles soldats d’Henri IV ; ils voulaient rester les fidèles sujets de Louis XIII ; ils supputaient les ressources du parti et ne pensaient pas qu’il fût de taille à engager la lutte. Nombre d’entre eux avaient les yeux ouverts sur le danger de subordonner les intérêts du protestantisme français et de la paix française aux intérêts généraux de la « Cause » en Europe. Les grands seigneurs, les magistrats, la bourgeoisie étaient