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Régence ; et, quand il trouvait que la France n’allait pas assez vite, il encourageait l’Italie à la supplanter, ou à l’en menacer. Toutefois, ses préférences réelles étaient pour nous. Il voulait nous donner une satisfaction immédiate, et aussi une occupation qui nous absorberait longtemps. Il aimait à nous voir entrer dans la politique coloniale ; il nous y poussait. Quant à l’Italie, il espérait bien, en l’inféodant à l’Allemagne, faire miroiter à ses yeux des espérances qui l’amèneraient à rester quelques années tranquille, en rongeant son frein. Telles sont, prises dans leur ensemble, les causes qui ont déterminé, il y a plus de vingt ans, les événemens tunisiens, et qui ont laissé dans l’âme italienne quelque rancune contre nous. Nous avons agi comme nous l’avons fait, parce que nous ne pouvions pas faire autrement. Mais, dès ce moment, nous avons dit à l’Italie, avec une sincérité dont elle a eu le tort de douter, que nos ambitions africaines étaient satisfaites à l’est de notre colonie, et que nous ne ferions pas un pas de plus dans cette direction. Depuis, nous avons renouvelé la même affirmation à maintes reprises : l’Italie ne nous a pas crus davantage. Enfin, dans ces derniers temps, soit que les modifications survenues dans la politique générale l’aient rendue plus confiante, soit que nous ayons trouvé le moyen de nous expliquer d’une manière plus convaincante, la lumière s’est faite dans les esprits et, cette fois, l’Italie nous a crus. Il en est résulté un changement immédiat et profond dans les rapports des deux pays : ils sont devenus, non seulement amicaux, mais cordiaux, et M. Barrère, qui a contribué pour une très grande part à cet heureux changement, a pu dire, le 1er janvier, en recevant au Palais Farnèse la colonie française de Rome, qu’entre la France et l’Italie, il n’y avait plus de questions méditerranéennes.

L’importance de cette parole n’a échappé à personne. Quant à sa parfaite exactitude, nous en avons un double garant. D’abord, M. Barrère n’est pas homme, dans une circonstance où il a dû peser tous ses mots, à en dire plus qu’il n’y en a. De plus, M. Prinetti, ministre italien des Affaires étrangères, avait fait, quelques jours auparavant, une déclaration analogue à la Chambre. Il s’était félicité, lui aussi, de la confiance absolue qui existait désormais entre les deux pays, et en avait reporté l’origine aux explications qu’ils avaient échangées sur toutes les questions méditerranéennes. Pour l’Italie, la première de ces questions est celle qui touche à la Tripolitaine. Le gouvernement français fait à ce sujet deux déclarations. Il a dit, d’abord, qu’il n’avait aucune visée sur cette province de l’empire ottoman et, ensuite, que