Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/438

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exemples que j’imiterai au pied de la lettre. Il n’y aura point de congrès à Bréda et je ne poserai les armes qu’après avoir fait encore trois campagnes. Ces polissons verront qu’il ont abusé de mes bonnes dispositions et nous ne signerons la paix que le roi d’Angleterre à Paris et moi à Vienne… Pour votre duc, il ne sera pas longtemps ministre. Songez qu’il a duré deux printemps. Cela est exhorbitant en France, et presque sans exemple… »

C’était pousser jusqu’au défi la raillerie insolente. Choiseul, après avoir pris l’avis du Roi, rédigea une réponse ostensible et particulièrement violente :


À Versailles, ce 25 mai (1760).

« Je ne perds pas de tems à répondre, mon cher Solitaire, à votre lettre du 20[1] de ce mois que je viens de recevoir ; je vous prie de mander à votre Luc, et réellement vous me ferés plaisir de le lui écrire, que nous méprisons autant les injures grossières que les prouesses et les projets ; que, quand nous désirons la Paix, ce n’est pas en vue de nous raccommoder avec Luc, qui fera toujours horreur et qui n’inspirera jamais ni par ses talens les plus médiocres du monde, ni par son courage de cœur et de tête que nous savons nul, ni par la puissance subalterne ; mais comme le Roi, qu’il devrait respecter et qu’il est fait pour respecter de toutes façons, connaît qu’il faut laisser exister pour le plus grand bien de l’ordre général ce qui déshonore la nature, afin de procurer la paix à l’Europe et la préserver des malheurs dont elle gémit, s’est déterminé et se déterminera toujours volontiers, sans songer aux injures des polissons de la rue, à rendre un calme heureux à l’Univers. Il me paraît par la lettre de Luc qu’il y a des Gascons sur le petit trône de Berlin, comme sur les bords de la Garonne ; vous deveriés être choqué de la bêtise arrogante de Luc quand il vous mande cette signature de paix à Vienne et à Paris ; dites lui de ma part que si cet événement arrive ce sera apparemment lorsqu’après une aventure aussi bien imaginée que celle de Maxen il aura été mis aux fers par quelque détachement de l’année de Daun, et que l’on le conduira à Vienne pour y signer la paix. Voilà un plaisant militaire pour oser se rire de pareilles impertinences, tandis que sa famille n’est pas en sûreté dans les casernes de Berlin et qu’il est obligé

  1. Nous n’avons pas trouvé cette lettre.