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Tu me plais, ô marine !
O galante ! dont l’art
Mélange, en ma narine,
Ta crasse avec ton fard !


III. — JARDIN DE LA GIUDECCA


Jardin de la Giudecca,
Humide, frais et paisible,
Que le songe errant marqua
De son doux pas invisible,

Où la sauge en fleur rougit
L’ombre des cyprès en pointes,
Non loin du bassin où gît
L’automne, en feuilles disjointes !

Le vent, mouvant le reflet
De ce vieux faune, le frustre
De sa flûte que voilait
Ce laurier qui semble illustre.

Et les fruits de pierre, autour
Du creux de leur coupe dure,
Offrent au soleil du jour
Leur chair froide et jamais mure.

Des buis taillés et des ifs,
Aux treilles des feuilles d’ambre,
Et d’éblouissans massifs
De fleurs chères à novembre.

Et plus loin, en effeuillant
Ses roses, l’une après l’une,
L’allée, en son détour lent,
Qui conduit à la lagune.

La nuit, parfois, tu dois voir,
Lune ! de fluides ombres,
En longs gestes d’argent noir
Ecarter les algues sombres ;