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Falconetti et Pein, sortis avec deux petites troupes, l’un de Timimoun, l’autre d’Adrar, étaient attaqués par des Berâber mêlés à des gens des oasis ; nous perdions 15 tués dont deux officiers. C’étaient les plus sanglantes affaires que nous eussions eues jusqu’alors au Touât ; il fut décidé qu’à la fin de l’automne, des colonnes parcourraient tout « l’archipel » et en achèveraient la pacification. En février, en effet, le général Servière arrivait de la province d’Alger au Gourara et soumettait les ksour qui n’avaient pas encore reçu la visite de nos troupes. Il était temps : le 18 février, le poste de Timimoun était attaqué à l’improviste par une harka de 1 200 Berâber qui, évitant Igli, et se glissant à travers les dunes, avaient franchi l’oued Saoura à Ouled-Raffa et, renseignés par les gens du pays, arrivaient sans avoir été découverts devant le bordj, qu’ils furent un instant sur le point d’enlever ; les assaillans ne furent repousses qu’après trois heures d’un rude combat où ils perdirent 100 hommes, et nous 9 tués et 21 blessés dont plusieurs officiers. Les troupes du général Servière accoururent pour donner la chasse à cette bande, l’atteignirent, le 27 au soir, près de Charouin, et lui infligèrent un échec ; le lendemain matin, la compagnie saharienne du capitaine Ramillon se trouva à l’improviste au milieu des ennemis ; elle leur résista victorieusement, mais perdit 25 tués, 20 blessés ; tous ses officiers étaient atteints ; le capitaine Ramillon et le lieutenant de la Hélerie, tués, restèrent sur le champ de bataille et l’on retrouva plus tard, dans les dunes, leurs cadavres mutilés. Nos pertes étaient cruelles, mais la victoire nous restait, et les Berâber découragés regagnaient le Tafilelt ; le général Servière, en mars, achevait de soumettre les oasis du Gourara et remontait au printemps vers l’Algérie. Le général Bisbourg, en même temps, intimidait les Doui-Menia en descendant de nouveau jusqu’à Igli et jusqu’à la zaouia de Kerzaz dont le marabout, très influent, est favorable à notre cause, et rentrait à Duveyrier sans avoir rencontré d’ennemis.

Les événemens qui venaient de s’accomplir étaient graves : ils l’étaient en eux-mêmes d’abord, parce qu’ils nous avaient causé des pertes sérieuses en hommes, parce qu’ils exigeaient de nouvelles colonnes et par conséquent de nouveaux frais. Nous apprenions à nos dépens que, pour être maîtres du Touât, le plus difficile n’est pas de le conquérir, mais d’y organiser une police capable d’y maintenir à peu de frais l’ordre et la sécurité.