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au sud de Tabelkosa, avec le commandant Letulle, qui arrivait de Géryville, après une traversée de l’Erg qui restera une des belles pages de nos fastes militaires sahariens ; il marchait avec lui sur Timimoun, qui se soumettait sans combat, et parcourait la plupart des oasis du Gourara. Quand, au mois d’août, le général Servière vint faire sa tournée d’inspection générale, il put aisément traverser, avec quelques goumiers, tout ce Touât que nos colonnes n’avaient pu obtenir l’ordre d’occuper complètement.

Ainsi, l’opération, heureusement engagée, mais trop lentement continuée, semblait se terminer bien ; mais, si elle coûtait peu d’hommes, les dépenses en argent avaient été « extrêmement considérables[1]. » L’époque tardive, où la plupart des colonnes avaient été mises en route, avait augmenté dans de grandes proportions les frais de transport ; 19000 chameaux avaient péri avant la fin de juin et, sur les 13 millions et demi que le gouvernement demandait au Parlement[2], dix étaient le prix des transports.

Quant aux puissances européennes, nous étions si manifestement dans notre droit et dans notre rôle, qu’elles n’élevèrent aucune protestation, et vraiment la Westminster Gazette résumait bien l’opinion des États nos voisins, celle en particulier de l’Angleterre, en parlant, comme « d’un acte parfaitement naturel et légitime, » d’une question « qui a été le sujet de tant de discussions inutiles. » Aucun écho, en Europe, ne répondit à la plainte, d’ailleurs assez platonique, du gouvernement marocain. Jamais, du reste, en face de nos diplomates, les sultans n avaient revendiqué avec insistance leurs droits sur le Touât ; jamais, surtout, nous n’avions admis la discussion des nôtres. Le gouvernement chérifien, habitué à profiter de toutes les discordes et à insinuer son autorité plutôt qu’à l’imposer, s’était simplement servi de la crainte que l’approche des chrétiens inspirait aux tribus du Sud pour leur faire accepter un semblant de suzeraineté ; il avait su également bien utiliser les rivalités et les jalousies européennes. Tout fut fini du jour où nous fûmes décidés

  1. Déclaration de M. Waldeck-Rousseau devant la commission du budget, 25 juin 1900.
  2. La Chambre, le 2 juillet 1900. vota les crédits par 458 voix contre 60, après avoir entendu de vives critiques de M. André Berthelot, un discours de M. Eugène Etienne, et une défense du président du Conseil, timide et embarrassée, qui, à certains momens, sembla presque prendre le ton d’un désaveu.