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d’une violation de territoire, que des officiers français eussent étudié, à 90 kilomètres au nord-est de Timimoun, l’emplacement d’un nouveau fort ! Il ne fut naturellement tenu aucun compte de pareilles observations, mais le fait crue l’on avait osé les formuler montrait à quels excès notre inaction poussait le gouvernement chérifien.

Les années qui suivirent, occupées par l’expédition de Madagascar et d’autres affaires coloniales, ne permirent pas de résoudre la question des oasis, que l’on avait si déplorablement laissée s’embrouiller. Des missions d’études, comme celle du commandant Godron au Gourara, celle de M. Flamand, pour étudier le régime des eaux dans la région comprise entre les montagnes du Sud-oranais et l’Erg, des négociations destinées à nous créer des amis dans les oasis, ce fut tout ce que les circonstances générales de la politique permirent de faire.

Telle était, au moment où enfin la solution allait intervenir, la façon dont se posait la question du Touât. Il ne s’agissait à l’origine que de savoir quand et par quels moyens, proportionnés à la valeur restreinte du résultat à obtenir, l’une des routes du Sahara et quelques oasis médiocrement riches tomberaient définitivement au pouvoir de la France ; peu à peu, pour n’avoir pas pris au bon moment une décision énergique immédiatement suivie d’effet, l’affaire des oasis s’était transformée ; il s’agissait de savoir maintenant si notre puissance aurait été impunément mise en doute, presque tenue en échec, par une poignée de gens sans ressources et à peine armés, si les routes du Sahara nous seraient ou non ouvertes, si, enfin, le litige n’allait pas, de saharien et d’algérien qu’il était, devenir européen et compliquer la politique générale de la France. Nous avions toujours tenu à respecter pleinement le traité de 1845 et l’intégrité du Maroc ; nous avions même fait, pour éviter jusqu’à l’apparence d’oublier ce ferme propos, de véritables sacrifices ; et voilà que maintenant, si nous ne nous hâtions pas de mettre le holà et de couper court aux légendes qui s’accréditaient, « la question marocaine » menaçait de se trouver impliquée dans le sort de quelques bicoques au milieu du Sahara. Il devenait indispensable de parler ferme et d’agir vite.