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tantôt il s’en tenait à un plan d’approches consistant à établir, sur les routes de Ghadamès et du Touât, des bordj fortifiés qui nous en assureraient l’accès et finiraient par faire tomber les oasis, sans coup férir, entre nos mains.

Les années, cependant, s’écoulaient et Moulai-el-Hassan, profitant habilement de notre abstention, accroissait de plus en plus son prestige religieux et même politique dans « l’archipel ; » habile à se servir des institutions locales, il investissait en son nom les chefs des ksour ; Igli elle-même acceptait un caïd. M. Cambon, alarmé de cette politique envahissante, écrivait, en avril 1893 : « L’action du Maroc sur notre frontière et au Touât se continue avec une persévérance et, j’ajoute, avec une intelligence remarquable des conditions dans lesquelles nous nous trouvons à son égard, et il n’est pas douteux pour moi qu’elle est dirigée par des représentans des puissances européennes… » Sur ces entrefaites, à la fin de juin 1893, le sultan, sous le pieux prétexte d’aller prier sur le tombeau de son ancêtre Moulai-Ali-Chérif, fondateur de la dynastie filalienne, se rendait au Tafilelt avec une forte armée. Les tribus du Sud, émues de voir le sultan se rapprocher d’elles et encouragées par sa présence, lui envoyèrent des députations et lui prodiguèrent les marques de respect et de soumission. Si-Kaddour lui-même se risqua à lui écrire une lettre où il lui offrait son hommage. Moulai-el-Hassan, rappelé inopinément à Marrakech par les événemens de Mélilla et l’ambassade du maréchal Martinez Campos, dut quitter brusquement le Tafilelt et repasser l’Atlas ; mais l’effet moral et religieux de son voyage resta considérable ; ni sa mort, qui suivit de près, ni l’établissement du bordj de Hassi-Inifel et des forts Mac-Mahon et Miribel, pour commander les routes d’El-Goléa au Touât, ni, de l’autre côté du désert, l’occupation de Tombouctou par les Français, ne parvinrent à en effacer le souvenir, ni à en détruire l’effet. L’audace des tribus marocaines, ne rencontrant pas d’obstacles, devenait extrême ; un parti de cavaliers, sous prétexte de venger le meurtre de deux caïds qui, en se rendant à Marrakech, avaient été assassinés par les Rénanema, vint saccager dix ksour le long de l’oued Saoura et installer à Timimoun même un caïd, escorté de 25 cavaliers, qui se donna le titre et s’attribua les fonctions de pacha. En même temps, à Tanger, le représentant du sultan ne craignait pas de se plaindre à notre chargé d’affaires, M. Colin de Plancy, comme