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avant tout à ne pas mettre en discussion ; quelques milliers de palmiers et quelques ksour du Sahara mettaient les chancelleries européennes en émoi ! Pour factice qu’elle ait été en grande partie, cette émotion ne laissait pas que de gêner notre action ; probablement, en tranchant dans le vif, nous aurions coupé court à toutes les intrigues et à toutes les difficultés ; mais il pouvait paraître plus sage de ne rien compromettre, pour un aussi mince bénéfice, de nos relations extérieures, et il fut décidé que l’on s’en tiendrait à des mesures de précaution et de préparation. Deux lois furent votées par le Parlement : l’une organisait des forces militaires sahariennes à El-Goléa, l’autre décidait la prolongation de la ligne d’Aïn-Sefra jusqu’à Djenien-bou-Reszg (30 décembre 1891 et 22 février 1892). En même temps, nous cherchions à augmenter notre influence en négociant avec le cheikh d’In-Salah, Si-el-Madhi-ben-Badjouda, et nous déterminions à un voyage dans le Sud notre protégé, le chérif d’Ouazzan, Moulai-Abdesselarn, qui, parti d’Algérie escorté par les Arabes de nos tribus, montra dans les oasis sa haute autorité religieuse et ses bons sentimens à l’égard de la France. Peu après, M. Cambon, accompagné du général Thomassin, parlait pour El-Goléa afin de se rendre compte par lui-même de l’organisation de notre nouveau poste et de prouver aux populations que l’Algérie était décidée à ne jamais se désintéresser des affaires du Sahara.

Du ce voyage, le gouverneur général revint plus que jamais convaincu de la nécessité d’en finir avec cette question du Touât, qui devenait irritante et qui faisait douter de notre influence même par nos amis les plus dévoués ; il se demandait avec inquiétude, et il demandait au gouvernement, si les routes du Sahara n’allaient pas se trouver complètement fermées devant nous, puisque nous avions reconnu la suzeraineté de la Turquie sur (ihàt et Ghadamès et que nous étions menacés de voir le Maroc nous fermer le chemin du Touât ; gêné par la prudence, peut-être nécessaire, du gouvernement, tantôt il proposait d’établir notre autorité sur l<>6 oasis en utilisant uniquement nos indigènes, les Ouled-Sidi-Cheikh, dont l’influence religieuse est considérable dans tout le Sud et dont le chef Si-Kaddour, paraissait alors entrer complètement dans les vues du gouverneur[1] ;

  1. . M. Cambon avait même nommé, au Tidikelt, un amel français, de la tribu des Ouled-Moktar.