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un poste capable de devenir la base d’opérations futures.

Le gouvernement de M. Jules Cambon pourrait, en ce qui concerne les affaires du Touât, se résumer ainsi : insistance du gouverneur général pour une action décisive dans le Sud, et grande activité dans la limite de ses moyens ; de la part du gouvernement métropolitain, hésitations et demi-mesures, qui rendent la solution de la question de plus en plus compliquée ; entreprises, enfin, de plus en plus audacieuses, du sultan, qui, malgré sa faiblesse réelle, recueille le bénéfice d’intrigues habilement menées et patiemment continuées. A vrai dire, les ministres français pouvaient se retrancher, pour justifier leur demi-inaction, derrière des raisons spécieuses. Malgré sa volonté formelle, très heureusement exprimée, à la tribune du Sénat, par M. Ribot, en une formule qui a fait fortune, de considérer la question du Touât comme « une question de police algérienne[1] » et de n’y tolérer aucune intervention étrangère, malgré l’avis maintes fois formulé par nos ministres à Tanger de ne pas entrer en négociations avec la cour chéri tienne à propos des oasis, les susceptibilités jalouses de quelques puissances européennes rendaient, comme l’écrivait M. de Freycinet, la question du Touât « plus grave par la forme qu’elle avait revêtue dans les derniers temps et par l’importance qu’elle avait prise auprès de certaines puissances. » L’Italie et l’Espagne avaient fait lord Salisbury confident des inquiétudes que leur causait ce que l’on voulait appeler nos projets d’attentat contre l’intégrité de l’empire du Maroc ; et, à la suite de cette démarche, le ministre des Affaires étrangères marocain, Si-Feddoul-Gharnit, à l’instigation du gouvernement de Londres, remit à M. Souhart plusieurs notes relatives aux oasis ; notre ; ministre à Tanger, sur l’ordre de son département, se borna à déclarer qu’il n’était pas autorisé à entrer en conversation à ce sujet avec la cour de Fez et que la France gardait son entière liberté d’action.

Ainsi, peu à peu, les événemens, perfidement interprétés par les ennemis de notre expansion, menaçaient de faire naître, à propos du Touât, une « question marocaine, » que nous tenions

  1. Voici le texte de l’importante déclaration fuite par M. Ribot : « Je puis dire que le gouvernement français n’a pas hésité à signifier au Maroc, de la façon la plus catégorique, qu’il ne tolérerait de sa part aucun acte de souveraineté sur ces territoires, qui rentrent dans la zone naturelle de l’influence française. Cette question n’est pas une question européenne, ni même une question marocaine : c’est une question de police au sud de notre Algérie. »