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ne pleut, pour ainsi dire, jamais, toute la richesse du Touât est sous terre, dans ces nappes d’eau qui, çà et là, sourdent à la surface du sol et que, presque partout, un forage rencontre à une faible profondeur. Par l’oued Saoura et l’oued Meguiden, les eaux souterraines descendent au Touât, et, grâce aux travaux d’irrigation, permettent de faire pousser de nombreux palmiers et de beaux jardins. Sur cette terre, où l’on cite des sécheresses de vingt années, et où, même dans l’oued Saoura, les eaux coulant à la surface ne dépassent presque jamais la zaouia de Kerzaz, les habitans font des prières pour détourner l’averse malencontreuse qui viendrait gâter les fruits translucides et sucrés des dattiers ; c’est que la datte est à peu près la seule richesse, presque la seule nourriture des ksouriens. Aussi le nombre des habitans est-il faible relativement à l’étendue des oasis. On n’estimait guère autrefois leur nombre à moins de 300 000 ; les rapports des commandans de nos colonnes ont prouvé que la population ne dépasse pas beaucoup 100 000 habitans sédentaires, arabes, berbères, haratin, anciens esclaves noirs. Encore cette population est-elle misérable ; l’orge, le froment, qui poussent à l’ombre des palmeraies, sont loin de suffire aux besoins des habitans dont beaucoup ne mangent pas à leur faim ou se nourrissent presque exclusivement de dattes. De cette misère résultent deux conséquences intéressantes : d’abord, une forte émigration de gens du Touât vers l’Algérie plus riche, plus tranquille et plus heureuse ; ensuite, l’existence d’un important courant commercial entre nos tribus du Sud et les gens des oasis, les premiers apportant aux autres les vivres dont il ne peuvent se passer, la laine pour tisser leurs tapis et leur achetant, en échange, les dattes qu’ils expédient vers les ports de la côte : en sorte que, par ce double courant d’émigration et de commerce, le Touât est et a toujours été une dépendance économique de l’Algérie.

In-Salah, le principal ksar du Tidikelt, passe, dans la plupart de nos livres de géographie, pour le grand carrefour du commerce saharien, le caravansérail où s’échangent les produits du Soudan avec ceux du Nord et où se croisent des caravanes venues de Tombouctou et du Niger, du Tafilelt et du Maroc, de Ghadamès et du Fezzan ; et, à vrai dire, cela n’est point faux, mais qu’est-ce que tout le commerce du Sahara ? Les échanges avec Tombouctou (elle-même si déchue ! ) se bornent à quelques