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assurée notre situation sur les Hauts-Plateaux et quels dangers le voisinage de Figuig et des tribus marocaines pouvait faire courir à nos colons jusque dans le Tell. La répression amena notre installation définitive à Méchéria et à Aïn-Sefra, qui maîtrise au nord l’entrée des passages du Djebel-Amour dont Figuig commande au sud les débouchés. Un jour même, l’une de nos colonnes, sous les ordres du commandant Manuel, s’efforçant d’atteindre des Amour dissidens, s’avança jusque près de Zenaga et, dit-on, quelques balles destinées aux fugitifs vinrent tomber dans les jardins du ksar ; les habitans sortirent aussitôt en armes et assaillirent nos troupes dans un défilé, dont elles durent tout d’abord sortir pour infliger ensuite à leurs agresseurs une rude leçon. Ces quelques coups de fusil, tirés près de Figuig, eurent un retentissement européen. Les ambassadeurs d’Espagne et d’Angleterre traduisirent auprès du gouvernement français cette émotion peu justifiée et le ministre de la Guerre, le général Billot, dut prescrire à nos officiers la plus grande circonspection. Cependant les événemens de 1881 et 1882, l’insurrection de Bou-Amama et de tout le Sud-oranais, avaient si bien démontré une fois de plus combien il était malaisé de maintenir l’ordre dans la zone frontière tant que Figuig servirait de place d’armes et de refuge aux insurgés et à tous les mécontens, que le général Saussier, commandant le 19e corps, écrivait, le 2 mai 1882, au ministre de la Guerre pour lui démontrer la nécessité d’occuper Figuig ou tout au moins d’y frapper un coup vigoureux. De son côté, le gouverneur général, M. Tirman, insistait pour que notre diplomatie nous mît en mesure de « nous installer temporairement à Figuig avec l’assentiment de l’empereur du Maroc. » Le gouvernement, une fois de plus, pensa que l’avantage d’occuper les oasis et d’assurer la tranquillité du Sud-oranais ne balançait pas le risque de provoquer des complications diplomatiques et d’amener une intervention au Maroc de nos rivaux d’influence. La proposition du général Saussier et de M. Tirman rejoignit dans les archives celles de leurs prédécesseurs.

Puisque l’on était décidé à respecter Figuig et que, d’autre part, il fallait, pour la sécurité de l’Algérie et l’avenir de notre expansion, que nous fussions maîtres des routes qui conduisent au Touât, une seule politique restait possible : tourner l’oasis, nous prémunir contre les incursions par une série de postes échelonnés dans le Djebel-Amour, et pousser vers le sud le