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jour. Vers l’occident, enfin, par-delà de grandes étendues pierreuses, ces taches vert sombre qui rayent la monotonie du désert, ce sont les palmeraies de Figuig. A moins de vingt kilomètres, au pied des montagnes qui ferment l’horizon et que la merveilleuse lumière saharienne colore d’un bleu d’opale, l’on distingue très bien, à l’aide d’une jumelle, le minaret d’une mosquée, les murailles de l’un des ksour, et même une ligne grise qui estompe légèrement le bord de la forêt de palmiers, et qui est la rangée des tentes de notre ennemi de 1882, le marabout Mohammed-ben-el-Arbi, Bou-Amama.

Ici, sur le plateau de Duveyrier et dans la vallée de l’oued Dermel, c’est terre algérienne ; mais, là-bas, cette Figuig, que l’on voit distinctement, nous est fermée ; elle est, par la vertu des traités, domaine de « l’empereur du Maroc ; » et nous ne pouvons que contempler de loin les vertes palmeraies arrosées de sources vives qui font de ces belles oasis le centre naturel de toute la région. Aucune ligue frontière, cependant, ne coupe en deux la plaine grise, mais le traité de 1845 nomme Figuig parmi les ksour qui dépendent du Maroc, et, respectueux de nos engagemens, nous contournons les oasis sans y pénétrer et l’on dirait que nous montons autour d’elles une garde vigilante : n’avons-nous pas, en effet, un camp à Duveyrier, un autre à 21 kilomètres plus au sud-ouest, à Djenan-ed-Dar, où prochainement arrivera la locomotive, enfin, plus au nord, le long du chemin de fer, d’autres postes fortement occupés, Hadjerat-M’Guil, puis Djenien-bou-Reszg, et enfin Aïn-Sefra, avec tous ses établissemens militaires et sa nombreuse garnison ? — Ainsi nos postes s’égrènent en chapelet autour de Figuig, l’enserrent, tandis que notre chemin de fer la contourne ; mais le traité de Lalla-Marnia en éloigne notre ; drapeau. Le long des confins indécis de l’Algérie française et de l’empire chérifien, dans toute cette région d’Aïn-Sefra, de Figuig, d’Igli et du Touât, nous nous trouverons si souvent, au cours de ces pages, en face de ce traité et des façons diverses dont on en a entendu l’application, qu’il est nécessaire de nous y arrêter tout d’abord.

On sait dans quelles circonstances fut conclu le traité de 1845. C’était au moment critique de notre duel contre Abd-el-Kader ; l’émir, réfugié au Maroc, campait dans la région d’Oudjda, et, comme fruit de notre grande victoire d’Isly, nous tenions surtout à obtenir du sultan qu’il prononçât contre notre