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sur le déclin : au contraire, la grandeur du Palatin est en son orient et n’a pas encore atteint sa vigueur : par ainsi, est plus à craindre. »

Le président Jeannin ne manque pas d’invoquer le fameux argument, traditionnel alors, qui réunissait l’Europe chrétienne en une solidarité du moins nominale contre les Turcs, et ainsi, il se conciliait le duc de Nevers, le Père Joseph et les confidens intimes qui remuaient, une fois encore, l’illusoire dessein d’une nouvelle croisade. « C’est donc avec grande raison que le Roi doit désirer de voir cette guerre finie par quelque composition et accommodement tolérable plutôt que par quelque victoire absolue, » et, en concluant, le président résumait en ces termes l’avis du Conseil : envoyer, en Allemagne, une ambassade solennelle qui s’efforcerait de prendre autorité sur les belligérans, de pacifier le différend et de mettre fin aux hostilités. Il ajoutait même, que, si l’ambassade ne réussissait pas, le Roi devait se préparer à secourir effectivement l’Empereur, soit par des subsides, soit même par l’envoi d’une armée. « La religion, ajoute-t-il, en manière d’argument réitéré et décisif, y invite Sa Majesté et l’oblige à mépriser toute considération contraire. »

Intervention dans les affaires d’Allemagne au moyen d’une ambassade chargée de s’entremettre pour la paix, telle était donc la conclusion du vieux Jeannin. Or, c’était précisément le conseil qu’avait donné Bouillon. Mais les deux avis, identiques dans la forme, étaient diamétralement opposés au fond. Bouillon ne voyait, dans le roi de France, que « le protecteur des libertés germaniques ; » le président Jeannin réclamait, pour le roi, l’honneur de sauver l’Empire. Ce fut naturellement l’opinion de Jeannin qui rallia tout le Conseil. Ainsi la cause catholique et impériale l’emportait auprès du roi de France, fils de Henri IV. Que les temps étaient changés !

Le nonce Bentivoglio, quand il apprit, de la bouche de Puisieux, la résolution du Conseil approuvée par le Roi, s’écria : « C’est un miracle et une intervention manifeste de la Providence divine. »


A la tête de l’ambassade solennelle envoyée en Allemagne fut placé Charles de Valois, duc d’Angoulême, fils naturel de Charles IX, un des plus hauts personnages du royaume et traité en cousin par le Roi. On lui adjoignit deux diplomates