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France ni ne saurait la suivre, ni ne saurait même avoir à la suivre.

Mais il est une autre manière de limiter le parlementarisme par la Constitution, toute simple, qui n’a rien de proprement fédéral, et qui conviendrait aussi bien à la France qu’aux États-Unis. Ce serait de poser dans la Constitution certains principes généraux qu’il ne serait jamais permis au Parlement de transgresser, devant lesquels la législature serait obligée de s’arrêter, et contre lesquels il n’y aurait pas de loi. Malheureusement, la Constitution française de 1875 ne pose pas de principes généraux : ce n’est qu’un compromis, un arrangement furtif et hâtif, et comme un accoutrement entre deux portes des pouvoirs strictement indispensables pour gouverner et administrer tant bien que mal, au jour le jour. Mais ce défaut n’est point sans remède, et le remède est à portée de la main.

Nous avons une Déclaration des Droits de l’homme, et nul n’est censé l’ignorer, tant on nous en rebat les oreilles. C’est à qui l’exalte, à qui s’en réclame, à qui proposera de la faire apprendre aux enfans ; on la réimprime en imitation de l’édition originale, on ouvre, pour l’encadrer dignement, des concours artistiques, on l’affiche à l’extérieur et à l’intérieur des édifices nationaux : universités, lycées, écoles, bientôt églises, hôpitaux et prisons. Que ne l’affiche-t-on aussi, pendant qu’on y est, dans toutes les salles et dans tous les couloirs de la Chambre des députés, et tous, tant qu’ils sont, nos faiseurs de lois, que ne les force-t-on à la savoir par cœur ! Elle n’est peut-être pas, — soumise à la froide analyse, — le monument parfait que des politiciens échauffés s’imaginent, et personnellement nous ne retirons aucune des critiques qu’avec d’autres et après d’autres, parmi lesquels Bentham, nous avons pu lui adresser[1]. Mais enfin, c’est, depuis un siècle, la grande Charte des Français, le grand Concordat, le grand Contrat ; — eh bien ! que cette Charte soit une vérité !

Pour que la Cour Suprême garde la Constitution, il faut au préalable que nous ayons une Constitution : constitutionnalisons donc la Déclaration des Droits de l’homme : lions-la,

  1. Sophismes politiques de ce temps, ch. IV. — Cf. Bentham, Examen de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen…, Sophismes parlementaires, sixième partie (Sophismes anarchiques) traduction d’Elias Regnault, 1 vol. in-8 ; 1840, Paguerre.