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tout le plan de la conjuration ; et on lui avait donné, en même temps, les instructions nécessaires pour y parer : « On dit ici, écrivait le nonce de Cologne, comme venant de Hollande, que la mort du maréchal d’Ancre est sortie de la boutique de Bouillon et du comte Maurice. Leurs adhérens dans les conseils du Roi ont pour but d’amener une rupture entre la France et l’Espagne, de façon à réussir, par l’intrigue, là où les armes ont échoué. Sous le prétexte de faire suivre par le Roi les conseils de son père, on l’engagera dans les affaires d’Allemagne de façon à débarrasser la France de ses humeurs intestines et à faire poursuivre, pour son roi, l’Empire ou le titre de Roi des Romains. D’où l’alliance avec les hérétiques d’Allemagne. Le Roi, joignant ses forces aux leurs et à celles des Hollandais, pourra, sans grande difficulté, exécuter le dessein, dès longtemps caressé, d’abaisser la maison d’Autriche. Ainsi se trouverait bouleversé tout l’état actuel de la Chrétienté. Il faut travailler à mettre la Chrétienté à l’abri de si grands malheurs… » Évidemment, Bouillon, entouré d’agens suspects, avait trop parlé. Parmi les plus chauds défenseurs de la cause protestante, il y en avait qui étaient en relations étroites avec l’archevêque de Cologne. Rome était instruite par ce canal. Bentivoglio, averti de longue main, avait eu tout le temps de prendre ses mesures dans la cour de France, dans le Conseil, et notamment auprès du favori. Il avait celui-ci dans la main ; ce n’est pas seulement Rohan qui l’affirme avec une précision difficilement contestable, c’est la correspondance de Bentivoglio qui le prouve.

D’ailleurs, Luynes s’était lié les mains, en quelque sorte, par une décision capitale qu’il avait prise, dès le mois de février 1618, celle de donner aux Jésuites l’autorisation d’enseigner à Paris, autorisation qu’ils n’avaient pu obtenir, malgré une insistance journalière, depuis l’année 1604, où Henri IV les avait rétablis. En ouvrant le collège des Jésuites, malgré l’opposition désespérée de l’Université et du Parlement, Luynes avait, en connaissance de cause, assumé une haute responsabilité ; un acte pareil est de ceux qui engagent. Il était donc dans la logique de son rôle quand il donnait, à la politique extérieure, une impulsion analogue et qu’il l’inclinait vers le parti catholique, autrichien et espagnol en Europe.

Aussi, quand les deux thèses rivales furent soumises à la délibération du Conseil, chacun savait-il, d’avance, quelle était