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artistique et littéraire. Sous cet afflux sans cesse grandissant, la Cour Suprême, si l’on n’y prenait garde, risquerait d’être débordée et de ne pouvoir plus faire sa véritable et indispensable besogne, de ne pouvoir plus remplir cette partie de sa tâche qu’elle seule peut remplir, son œuvre d’interprétation et de conservation constitutionnelle. Qu’elle ne réussisse à liquider en un an que 400 affaires, c’est pourquoi elle a un tel arriéré qu’il faut parfois à un procès inscrit au rôle de trois à quatre ans avant de venir à l’audience, malgré le labeur acharné des juges, qui siègent sept mois, au lieu de trois, et qui pendant ces sept mois sont continuellement en séance. Il y aurait injustice évidente à leur demander de faire davantage, et du reste impossibilité de leur part ; ils ne peuvent ni se multiplier ni multiplier les heures. Quoi qu’il en soit, la Cour Suprême n’arrive plus à faire tout ce qu’on attend d’elle ; et ce serait un péril public que le principal fut noyé dans l’accessoire, on s’en inquiète depuis quelque temps déjà ; mais, la grande majorité des cas étant portés devant la Cour comme appels des cours fédérales inférieures, le correctif n’est pas introuvable.

On en a proposé plusieurs : d’abord étendre la compétence de ces cours inférieures, et restreindre, rendre ainsi plus rares les cas où il pourrait être fait, de leurs sentences, appel à la Cour Suprême ; ou bien instituer entre les Cours de circuit et la Cour Suprême, des cours d’appel intermédiaires qui la déchargeraient de son plus lourd et de son plus encombrant fardeau ; ou bien enfin diviser la Cour Suprême elle-même en sections, avec ou sans augmentation du nombre de ses membres, chaque section étudiant spécialement une certaine classe d’affaires : première section, les causes d’équité ; deuxième section, les causes de common law ; troisième section, les causes de finances et d’amirauté ; à la Cour plénière, les affaires mettant en jeu soit les traités, soit la Constitution[1].

Ce qu’on reproche de plus grave à ce troisième projet, c’est, s’appliquant à une Cour Suprême qui a pour mission avant tout de garder la Constitution intacte, d’être lui-même d’une constitutionnalité douteuse. En effet, la Constitution a prévu l’établissement d’une Cour Suprême unique, et c’est une question de savoir si une Cour Suprême en trois sections serait encore cette

  1. Une proposition fut faite en ce sens, à la Chambre des Représentans, le 26 juin 1880, par M. Manning, du Mississipi.