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parlement et dans ces parlementaires ; ce n’est pas un accident qui leur soit propre et personnel, auquel d’autres qu’eux-mêmes, ou eux-mêmes nommés autrement, échapperaient : il est aussi, pour une large part, dans le parlementarisme, j’entends dans ce parlementarisme, dans ce mode du parlementarisme, qui est une des façons de le concevoir et de le pratiquer, mais une entre plusieurs, et telle qu’il ne peut guère en être de plus mauvaise.

Ce parlementarisme, quel en est le caractère, et quelle définition en peut-on donner ? De tous les traits dont se compose assez désavantageusement son image, — n’est-il pas agité, bavard, brouillon, incohérent, incompétent, etc. ? — il en est un qui frappe et qui domine ; celui-ci : étant tout ce qu’il est de détestable et de déplorable, le parlementarisme, chez nous, notre cas de parlementarisme, s’aggrave encore de cette circonstance que, de plus, il est « illimité. » J’entends par là qu’il n’est maintenant en France pas d’heure et pas de matière où le législatif ne déborde, n’empiète et n’usurpe sur ce que l’école appelle « les autres pouvoirs. » Et non seulement sur ces autres pouvoirs ou ces autres fonctions, sur tous et sur toutes, mais encore sur tous les droits de tous les citoyens : l’État en bloc et chacun de nous en son particulier, tout en France a son maître, que rien n’arrête ; à qui personne ne vient dire : « Tu n’iras pas plus loin ; » qui va sans cesse plus loin ; qui est d’autant plus capricieux, d’autant plus fantasque, d’autant plus despotique qu’il a huit cent quatre-vingts têtes ; et ce maître de tout et de tous, c’est lui. Voilà, en lui, le vice des vices, ou sans même retenir pour le moment que c’est son vice, voilà son caractère principal et général ; voilà ce par quoi il s’oppose, se pose et se définit : il est illimité.

Au fond, d’ailleurs, s’il y a plusieurs modes du parlementarisme, il n’y en a que deux espèces ou deux catégories, dans lesquelles ils rentrent tous et sous lesquelles ils se peuvent ranger : il y a, d’une part, le parlementarisme limité, et, de l’autre, le parlementarisme illimité. Il importe peu, ou du moins il n’est que d’une importance relative, que le parlementarisme soit limité d’une manière ou de l’autre ; et sans doute une manière pourra valoir mieux que l’autre, — c’est précisément un des points que nous nous proposons d’élucider : laquelle de ces manières vaut le mieux ; — mais enfin le plus important, l’essentiel est de savoir que le parlementarisme n’est pas fatalement illimité ; qu’il