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ailes ! Ouvrez les fenêtres, abattez la muraille, percez la circonscription, rasez la sous-préfecture ! Donnez-nous le scrutin de liste ; si nous avions le scrutin de liste !

Si nous avions le scrutin de liste, il en serait à peu près comme il en est quand nous avons le scrutin d’arrondissement. Si nous avions le scrutin de liste, nous demanderions à revenir au scrutin d’arrondissement, comme, ayant le scrutin d’arrondissement, nous demandons à aller au scrutin de liste. Le roi de Naples était un sage : « Habillez-les en blanc ou en vert, scapperanno pure !… » Il ne faut plus espérer nous guérir en retournant simplement notre veste. Non ; la substitution du scrutin de liste au scrutin d’arrondissement serait insuffisante, inefficace, y ferait si peu qu’elle n’y ferait rien.

Il est vrai qu’on ne s’en tient pas à cette substitution toute sèche et que l’on commence enfin, dans nos Chambres françaises, qui sont bien l’un des endroits politiquement les plus arriérés de l’Europe, à parler de saisir l’occasion, pour introduire, à la faveur du scrutin de liste rétabli, la représentation proportionnelle. Du coup, ce serait une autre affaire. Nul ne peut en effet se permettre de traiter la représentation proportionnelle avec le même dédain que la conversion du scrutin d’arrondissement en scrutin de liste ou sa réciproque ; et, sans la parer à l’avance de plus de vertus qu’elle n’en aurait, sans dire que ce soit peut-être l’organisation définitive du suffrage universel, ni la forme la plus complète et la plus parfaite, la forme totale et sociale en quelque sorte de cette organisation, il est néanmoins certain que, par rapport à ce que nous avons, elle constituerait un très grand progrès. Si donc le retour au scrutin de liste doit avoir pour effet ou pour conséquence de nous amener à la représentation proportionnelle, souhaitons-le, aidons-le et hâtons-le de toutes nos forces. Ce serait le premier pas dans la voie qui conduira du su tirage universel inorganique au suffrage universel organisé, du désordre à l’ordre, du chaos au monde, du néant à l’être : ce premier pas, le seul qui coûte, puisque nécessairement nous devrons le faire un jour et que nous ne pouvons que gagner à le faire, nous ne le ferons jamais trop vite.

Mais point d’illusions pourtant ; et, cela fait, ce pas fait, même franchement et hardiment, tout ne serait pas fait. Car le mal n’est pas uniquement, — à nous de leur rendre cette justice, — dans le parlement et dans les parlementaires ; j’entends dans ce