visages aristocratiques, ne travailleront jamais qu’une matière mince, pâle et légère ; l’on ne reverra pas d’effigies viriles, d’une exécution robuste et d’un aspect magistral, comme le Chevalier et le Jouvenel, avant Poussin, Nanteuil, Claude Lefebvre, Largillière, Rigaud. On sait ce que devint, durant le XVIe et le XVIIe siècle, la peinture des mœurs contemporaines, méprisée et oubliée. A part quelques provinciaux, Abraham Bosse (un Tourangeau encore) et les Lenain, qui donc regardait les petites gens, bourgeois, soldats, robins, ouvriers, paysans ? La sympathie fraternelle que l’enlumineur royal éprouvait pour eux ne se réveillera qu’avec Watteau, Chardin, Lépicié, les illustrateurs du XVIIIe siècle et l’école rustique et réaliste du XIXe siècle. Quant au paysage, au paysage de France, sans stylisation décorative, sans transformation historique, à l’honnête paysage simple, aéré, vivant, personne, hélas ! depuis Fouquet, ne le verra plus avec des yeux aussi clairvoyans et une sensibilité aussi naïve, jusqu’à l’arrivée de nos paysagistes contemporains, jusqu’à Flers, Cabat, Théodore Rousseau, Millet, Troyon.
C’est donc avec raison que l’acquisition par M. le Duc d’Aumale, dans les dernières années de sa vie, de la série d’œuvres la plus importante de Jehan Fouquet, et leur rentrée en terre natale, ont été saluées, par les amis de l’art français, comme une victoire nationale. A l’heure où, dégoûtés des formes conventionnelles longtemps imposées à leur imagination, et fatigués de perdre, sans conviction, leurs efforts et leur temps en des redites laborieuses et inutiles d’après des chefs-d’œuvre inimitables dus à des croyances ou des rêves disparus, nos peintres retournent, en masse, à la nature vivante, comme à l’inépuisable source des inspirations durables, il était bon de leur rappeler que leurs grands ancêtres n’avaient pas autrement procédé. L’honnête et modeste Tourangeau leur fournit une admirable preuve que le moyen le plus sûr pour un artiste d’assurer sa gloire, dans l’avenir, malgré les caprices de la mode, malgré l’injustice passagère, malgré même les longs oublis, c’est encore d’exprimer avec simplicité ce qu’il a bien senti et de raconter avec sincérité ce qu’il a su bien voir.
GEORGES LAFENESTRE.