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de ces épisodes, avec une si parfaite aisance, que, nulle part, ni l’œil, enchanté par l’ensemble harmonieux des mouvemens, ni l’esprit, saisi et retenu par la justesse et la vivacité des sentimens exprimés, ne songent à y relever l’anachronisme. En même temps que les costumes variés, brillans, amusans du XVe siècle, donnent au peintre l’occasion de déployer toute son habileté joyeuse de coloriste, les vêtemens majestueux ou austères qu’il conserve à ses personnages sacrés lui offrent celle de montrer, dans le jet et le mouvement des étoffes, sa science de dessinateur. Les draperies de Fouquet, tantôt abondantes et ruisselantes à la façon de Bourgogne, tantôt discrètes et simplifiées comme dans les statues antiques, tantôt serrées et ajustées suivant la mode contemporaine, le plus souvent calmes et larges comme celles des imagiers du XIIIe siècle, toujours exactes et vraies, peuvent être comparées, pour leur beauté d’expression, leur goût noble ou délicat, avec celles des plus grands artistes postérieurs. Il en est dont le style grave et puissant n’a été retrouvé que par Poussin et par Ingres, d’autres dont la souplesse spirituelle est déjà celle de Watteau.

L’un de ses attraits habituels, c’est la vraisemblance des milieux où se meuvent ses figurines. Architectures extérieures, aménage mens intérieurs, dans ses églises, palais, maisons, tout respire la vérité, tout annonce l’exactitude. Les perspectives peuplées et bruyantes de ses bâtisses resserrées aussi bien que les panoramas déserts et silencieux de ses campagnes ouvertes ont été pris sur nature, en bonne terre de France. Que s’il lui arrive parfois de mêler à ces études locales quelques souvenirs de voyage, un campanile toscan, un édifice romain, des montagnes alpestres, il le fait, comme pour les costumes, avec un tact particulier. Aussi, dans ces fonds réels, derrière les scènes vivantes, que de joies variées, que d’évocations précieuses pour les amoureux de la nature et les passionnés de l’histoire ! Avec quelle justesse délicate et quelle précision aimable s’y trouvent fixés déjà les aspects, si peu changés, du val de Loire, avec ses donjons de pierre et ses manoirs de brique, et les fines verdures de ses coteaux allongés ! Avec quelle netteté aussi, netteté d’architecte-peintre, s’y conservent tant de coins pittoresques du Paris de Louis XI (la Pointe de l’Ile et la Porte Saint-Bernard dans le Saint Martin, au Louvre, le Donjon de Vincennes, dans le Job et ses amis, à Chantilly, le Gibet de Montfaucon dans la