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d’or massif chers aux peintres gothiques, Fouquet conserve la tradition, mais en la modifiant et l’utilisant de telle façon, qu’entre ses mains, la vieille formule devient une innovation charmante. L’école de Tours conservera, quelque temps après Fouquet, l’habitude de ces rehauts d’or, mais nul n’en saura user comme lui.

La même hardiesse à poétiser la réalité et humaniser l’idéal, avec le même charme de spontanéité et de naturel, se retrouve dans tout le reste de la scène, le concert donné à la Vierge. Dans l’encoignure de la salle (un morceau parfait de perspective), le long des lambris, se tiennent debout six anges musiciens, accompagnant le chant de cinq anges choristes et de six enfans de chœur, rangés à la suite, voisins de la Vierge. Deux anges, plus âgés, agenouillés à gauche, balancent leurs encensoirs, en se tenant le coude par un geste pris sur le vif, tout à fait gracieux. Près d’eux, au premier plan, se tiennent Chevalier, en robe rouge, les mains jointes, sur ses deux genoux, et, derrière lui, saint Etienne, un seul genou en terre, portant dans la main droite une pierre de son supplice, et, de la gauche, battant la mesure en même temps que les choristes. C’est une audition dans la chapelle ou la sacristie du château royal. Les ailes blanches des musiciens et chanteurs n’empochent point d’y reconnaître, avec leurs mines ingénues ou distinguées, leurs attitudes convaincues et ferventes, les damoiselles, fillettes ou gamins, répétant des cantiques sous la direction de Maître Okegam. Le jeune Etienne est un de ces jeunes et beaux diacres que Florio admirait à Saint-Martin. Comme pour la Vierge, la transposition, pour eux, se fait par l’intensité, profonde, délicate, merveilleusement juste, de la vérité expressive dans le geste et la physionomie. Quant à Chevalier, c’est un chef-d’œuvre de réalité et d’exactitude, mais exécuté avec une telle distinction, que l’œil ne s’étonne pas, non plus, de trouver cet homme si simplement fervent, accueilli parmi des apparitions célestes, car, chez tous, c’est le même sentiment exalté de vie heureuse, le même caractère d’humanité sérieuse et affable.

Sur les quarante-deux miniatures, jusqu’à présent retrouvées, du livre de Chevalier (en plus des deux précédentes), vingt-cinq représentent des sujets de la Vie de Jésus-Christ et de la Légende de la Vierge, depuis le mariage de Marie jusqu’à l’Ascension, l’Assomption et l’Intronisation ; quatorze, des scènes de la