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C’est donc par l’étude patiente et amicale de ces ouvrages, regardés bien à tort, autrefois, comme des travaux intérieurs, qu’on reconnaîtra peu à peu le mérite de ces innombrables peintres dont les archives chaque jour nous révèlent les noms oubliés, comme on peut déjà rendre justice à l’un des plus célèbres d’entre eux, Jehan Fouquet.


II

Aucune découverte capitale, à vrai dire, touchant la vie de Fouquet, n’a été faite depuis les magnifiques reproductions en lithochromies de son œuvre éditées par Curmer en 1867 avec notices et commentaires de Vallet de Viriville, A. de Montaiglon, L. de Laborde, R. P. Cahier, etc. L’érudition ou la clairvoyance de MM. de Grandmaison, Viollet, Bouchot, Paul Durrieu, Leprieur n’a pu qu’y ajouter quelques documens de détail, et grossir la liste des œuvres authentiques ou vraisemblables. Presque tous ces travaux antérieurs viennent d’être résumés, avec élégance et clarté, dans la publication luxueuse de M. Anatole Gruyer, sur les miniatures du musée Condé[1]. Quelques points importans sont désormais établis : Fouquet est né à Tours, vers 1420 ; il a séjourné en Italie, au moins une fois, à Rome, au temps d’Eugène IV (1443-1447) ; il est revenu ensuite s’établir dans sa ville natale ; il y fut le peintre en titre de Charles VII et de Louis XI ; il y dirigeait un atelier florissant, avec ses deux fils comme collaborateurs ; il y est mort vers 1480.

Voilà tout ce que nous savons. C’est quelque chose assurément, c’est bien peu encore. Où et comment s’est-il formé ? Est-ce à Tours ? Probablement. Mais est-ce à Tours seulement ? N’aurait-il pas, comme son émule, le sculpteur Michel Colombe, l’autre fondateur de l’Ecole tourangelle, complété son éducation à Bourges et à Dijon, ces deux centres actifs, parmi les chefs-d’œuvre qu’y avaient récemment accumulés les grands artistes des ducs Jean et Philippe, ces promoteurs passionnés, comme leur frère le roi Charles V, de la première Renaissance française ? C’est bien vraisemblable. Est-il retourné plusieurs fois en Italie ? A-t-il pu suivre ainsi l’évolution italienne dans ses phases successives, connaître Mantegna et Melozzo da Forli,

  1. Chantilly. — Les Quarante Fouquet, par M. F.-A. Gruyer, membre de l’Institut. Ouvrage illustré de quarante héliogravures : Plon.