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avec grande attention en Angleterre et au dehors. On y cherchait ce qu’on appelle, d’un mot un peu banal, une solution, et, bien entendu, une solution différente de celle du gouvernement. Il faut avouer qu’on ne l’y a pas trouvée, ou du moins qu’elle n’a pas paru bien claire. Il y a toujours eu deux parties dans les discours de l’opposition. La première était consacrée à dénoncer les fautes du gouvernement : elle était vraiment trop facile ; qui ne connaît aujourd’hui les fautes du gouvernement ? Il faut être le gouvernement lui-même pour les contester. Oui, sans doute, beaucoup de mal a été fait ; mais où est le remède ? C’était la seconde partie. Le remède, sir Henry Campbell Bannerman ne parait pas en connaître d’autre que celui du gouvernement. Lui aussi est pour l’annexion des deux républiques. Il leur accorderait par la suite, et sans doute plus rapidement que lord Salisbury et M. Balfour, des libertés plus larges, mais qui resteraient très loin de l’indépendance. Les orateurs libéraux ont répété qu’au mois de mai dernier, la paix aurait pu être faite : lord Kitchener et Botha en avaient posé les bases, mais M. Chamberlain n’avait pas voulu les accepter. Dans quelle mesure le fait est-il exact, nous l’ignorons. Nous savons seulement que les Boers combattent pour l’indépendance, et que l’indépendance leur est refusée aussi bien par l’opposition que par le gouvernement. On ne voit d’issue ni d’un côté ni de l’autre.

À ce moment, lord Rosebery a fait son entrée sur la scène, et il y a dit des choses nouvelles : des choses imprévues aussi, du moins pour nous. Si les libéraux semblaient parfois hésitans et timides, on l’attribuait en partie à la crainte de voir se produire une scission du côté de leur aile droite. C’est là que M. Asquith, sir Edward Grey, sir Henry Fowler évoluaient en se rapprochant de l’armée conservatrice, sans toutefois se confondre avec elle. Ils semblaient attirés hors de leur orbite par un astre caché, qui n’était autre que celui de lord Rosebery. Lord Rosebery a eu naguère des accès d’impérialisme d’un caractère assez aigu ; on a même pu croire un moment qu’il voulait jouer de cet instrument de popularité pour faire concurrence à M. Chamberlain. Mais, subitement, il a disparu dans la retraite, rejetant loin de lui toute velléité de reprendre le pouvoir. Depuis ce temps, il a fait ses réflexions, et nous le retrouvons aujourd’hui assez changé. D’abord il est à la disposition de son pays, ce qui veut dire qu’il sera ministre quand on voudra. Tout récemment encore, il parlait d’un ministère d’affaires ; il n’en parle plus aujourd’hui, cette fantaisie est passée, et c’est bien d’un ministère politique qu’il est question dans son discours de Chesterfield. Que ferait-il donc, s’il était chargé de le diriger ?