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meetings se sont formés pour obtenir du gouvernement impérial qu’il protestât officiellement contre le discours de M. Chamberlain. Le gouvernement impérial n’en a rien fait : la Gazette de l’Allemagne du Nord s’est contentée, comme on peut le croire, d’exprimer le regret « que le sentiment anti-anglais provoqué par la guerre contre les Boers dans les masses populaires allemandes eût été de nouveau excité par les paroles irréfléchies et blessantes de M. Chamberlain. » Le journal officieux ajoutait que le gouvernement anglais ne pouvait pas être rendu responsable de ce qu’avait dit un de ses membres dans une réunion plus ou moins publique, et enfin que l’honneur de l’armée allemande était trop haut placé pour être atteint par de pareils traits. A son tour, l’opinion anglaise s’est émue ; le Times a fait d’amères représentations, et les deux peuples sont restés un peu plus hargneux l’un à l’égard de l’autre qu’ils ne l’étaient auparavant. Ils l’étaient déjà beaucoup. Cela n’a pas empêché lord Salisbury, dans le discours qu’il a prononcé, le 9 novembre, au banquet du lord-maire, de se féliciter d’avoir rencontré, à propos de la guerre sud-africaine, de la part de toutes les grandes puissances, « une attitude correcte et des sentimens favorables. » Lord Salisbury ne parlait à la vérité que des gouvernemens. Il avait raison de reconnaître la correction de leur attitude ; mais il exagérait, pour ne rien dire de plus, lorsqu’il leur prêtait des sentimens d’approbation.

Sur la guerre elle-même, on attendait avec impatience ce que dirait lord Salisbury. Il a fait un éloge sans réserves de tous les actes de son gouvernement, a annoncé l’intention de persévérer dans la même voie, et a formellement déclaré que c’en était fait pour toujours de l’indépendance des deux républiques sud-africaines ; elles étaient et demeuraient annexées à l’Empire britannique, et on verrait, à une époque plus ou moins lointaine, dans quelle mesure on pourrait leur restituer l’usage de quelques menues libertés. M. Balfour a tenu, le 26 novembre, un langage analogue à Wolverhampton. La volonté du gouvernement est donc immuable. Lord Salisbury et M. Balfour l’expriment en d’autres termes que M. Chamberlain, mais c’est tout ; ils poursuivent le même but, et ne désavouent aucun des moyens qui ont été employés pour l’atteindre. En présence de cette attitude du gouvernement, quelle a été celle de l’opposition ? C’est ici que l’intérêt devient plus vif. Les principaux orateurs libéraux se sont fait entendre pendant les vacances, et sir Henry Campbell Bannerman, le leader officiel du parti, a mené pour son compte une campagne oratoire active et brillante : il a prononcé plusieurs discours qui ont été écoutés