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Ferdinand était donc nommé à l’unanimité. Quel succès pour la maison de Habsbourg et pour la cause catholique !

On apprit, il est vrai, aussitôt après l’élection, que Ferdinand avait été déposé, en sa qualité de roi de Bohême, par la Diète, le 17 août, et qu’il avait été, le 20 août, remplacé par le comte palatin Frédéric. Cette décision pouvait fournir un argument aux polémistes pour plaider la nullité de l’élection à laquelle le prince déposé avait pris part. Mais il était bien tard, et, en somme, Ferdinand gagnait la partie à Francfort.

Il était sur le point de la perdre à Vienne. En effet, le comte de Thurn, commandant en chef de l’armée bohémienne qui, avant la mort de Mathias, avait, une première fois, pénétré jusqu’à la capitale de l’Autriche, avait su, après une courte période de revers, reprendre l’offensive. Le 27 août, la veille de l’élection, il avait battu, à Znaïm, Dampierre, l’un des généraux impériaux, et il marchait de nouveau sur Vienne, à la tête d’une armée de 50 à 60 000 hommes, avant donné rendez-vous, sous les murs de cette ville, à son redoutable allié, Bethlen Gabor.

Celui-ci, s’appuyant sur les Turcs, appelant les protestans à l’aide, avait réuni une puissante armée et envahi la Haute-Hongrie. Il convoquait une diète qui aurait à décider si Ferdinand avait été élu régulièrement roi de Hongrie et il marchait sur Vienne, bousculant tout devant lui. Au début de l’automne, une double armée de 122 000 hommes menaçait la ville. Le 18 novembre, la Diète réunie à Presbourg déposait Ferdinand comme roi de Hongrie, et elle allait bientôt nommer Bethlen Gabor « prince et chef du pays. » Jamais partie plus critique et plus compliquée ne s’était jouée sur un plus vaste espace et n’avait remué à la fois de plus puissans intérêts.

Voici donc quelle était la situation du nouvel empereur, Ferdinand II. Son élection à l’Empire était discutée. La Bohême et la Hongrie rejetaient son autorité et réclamaient leur indépendance, les armes à la main ; une bonne partie de ses États autrichiens, répondant au mot d’ordre protestant, s’étaient soulevés. En Allemagne, l’Union des protestans se prononçait contre lui ; enfin son rival, Frédéric, Palatin du Rhin, était élu, à sa place, roi de Bohême.

Des armées puissantes, commandées par des chefs comme Thurn, Bethlen Gabor, Mansfeld, opéraient contre lui ; sa capitale était bloquée. Il était presque sans ressources, sans armée, sans