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LITTÉRATURE RUSSE
ANTON TCHEKHOF


A. Tchekhof : Hazskazy, 3 vol., édition A. F. Marks, Saint-Pétersbourg, 1900. — Piécy, 1 vol., Tri sestry, brochure, ibidem, 1901. — Les Moujicks, traduction Denis Roche, 1 vol., Perrin et Cie, Paris, 1901. — Un Duel, traduction Henri Chirol, 1 vol., ibidem, 1902.


Nous cherchions naguère dans l’œuvre de Maxime Gorky les raisons du succès qui lui a souri si vite ; nous disions qu’il partage avec Anton Tchekhof la faveur du public russe. Il y aurait injustice et mauvaise grâce à laisser dans l’ombre l’aîné de cet heureux couple. Venu le premier, M. Tchekhof a su ajuster au goût du jour un genre littéraire : le récit rapide, le petit tableau de mœurs esquissé en quelques traits. Son jeune rival lui a emprunté le cadre et les procédés de cet art sommaire. L’habile miniaturiste a voulu d’autres gloires : dramaturge applaudi sur les théâtres de Pétersbourg et de Moscou, il y a fixé la fortune. Comment et à quel prix, c’est ce qu’on verra plus bas.

Souple et prodigieusement fécond, son talent de conteur s’exerce sur un clavier plus étendu que celui de Gorky. Il n’a pas le mordant du chantre des vagabonds, ni la puissance d’imagination, la richesse verbale, le grondement intérieur de l’âme qui sauvent la monotonie des thèmes où se complaît Maxime l’Amer. Il intéresse par la variété de ses observations, souvent par leur justesse. Il met à contribution toutes les classes de la société, toutes les particularités de la vie provinciale. Dire qu’il nous en donne la représentation serait peut-être excessif : des silhouettes, des attitudes, des momens, voilà tout ce qu’il prétend nous